Quand on ne se presse guère pour donner son avis sur un nouvel album d'une artiste que l'on aime, et qu'à la base, le ressenti était plus que négatif, en général ce n'est pas bon signe. Ainsi en est-il ou presque de C,Xoxo, au nom déjà fichtrement pas terrible (une signature de SMS quoi, la version 2.0 de 'Camila, with love' qui aurait déjà mieux sonné, en tant que tel, pas pour ce disque donc). À l'époque où Elon Musk, vanté comme un génie sauveur, donne le même type de patronyme à ses propres enfants, il ne faut guère s'en étonner. Peu importe que ce soit moche et sans élégance (comme une Tesla, tiens), c'est tendance, ça claque. Et en même temps, ça lèche, comme cette non moins horrible pochette qui respire l'innocence, bien entendu. Tout de même, dans Astérix aux Jeux Olympiques, les Romains tricheurs ont la langue bleue, et ils perdent à cause de cela. Ne parlons pas en outre de la blondeur toute fraîche et complètement assumée de Camila (non Erwin, n'en parlons pas) car, comment dit-on ? Ah oui : 'elle fait ce qu'elle veut', c'est ça.

Heureusement, même si l'on ne souhaite de mal à personne et pour reprendre l'idée d'Astérix, savoir que le premier single indigent-dérangeant "I Luv It" avec le rappeur PLAYBOI CARTI s'est ramassé dans les charts américains ne peut que faire plaisir, pas plus haut que la 81ème place, ce qui est déjà trop cela dit. Hélas, il a eu quelques meilleurs accueils comme en Nouvelle-Zélande, autrement dit les Islandais de l'hémisphère sud, qui l'ont porté à leur 9ème place, tandis que les Suédois (la patrie de ABBA et des CARDIGANS, pop de qualité à une époque pas si lointaine, pour rappel), lui ont offert la 20ème. Tout se perd-il ? Cela paraissait pourtant évident avec cette annonce de quatrième album pour une Camilla CABELLO qui a décidé de quitter Epic Records pour entrer chez Universal (en un seul mot) avec une forme d'envie de grandeur conquérante supplémentaire conjuguée à l'envie de se libérer sans vergogne. Comme disait Cyndi LAUPER, les filles veulent juste s'enjailler ? La fourmi de la fable répondrait : eh bien, enjaillez-vous donc, mais ensuite, vous nettoyez !

Ce qui nous donne un début d'album catastrophique. Outre "I Luv It", ballade avant-pop indigeste, avec les arrangements sonores futuristes (au degré orwellien) de Jasper Harris, co-producteur de l'album, on a "Chanel no. 5", r'n'b plus classique qui ne serait pas trop mal si il était mieux servi. Le piano est à peine relevable malgré son effet ondulant, de même que la mélodie, mais alors ces vocaux hachés et cette voix plaintive dégoulinante comme un kouign-amann laissé au soleil, ce n'est plus possible ; et c'est bien pour cela, qu'en 2024, on ne lâche rien, les IA font la fête. Et il s'agit là encore d'un single, plutôt promotionnel. Le troisième se trouve être "Hot Uptown" au tempo plus exotique déjà plus charmant pour Camila, mais encore hélas, c'est un duo. Le rappeur DRAKE, ce modèle d'autoflagellation publique (ne manquez point les chroniques d'Archangel à son sujet) ne se contente pas de flinguer le morceau : il se garde sous le coude la quasi-entièreté du suivant, "Uugly", pseudo ballade valsée de rappeur qui trouvera forcément ses fans (sic), reléguant la chanteuse principale à de rares choeurs lointains et à peine audibles. Humilité, quand tu nous tiens !

Peut-être est-ce l'autre producteur avec Harris, à savoir l'Espagnol des îles Canaries nommé El Guincho qui a bossé pour BJÖRK et Charli XCX, qui tire davantage CABELLO vers le meilleur d'elle-même, sauvant peu à peu cet album néanmoins peu reluisant de la noyade en mer médiocrité. Parmi les singles et par chance cette fois, figure "He Knows", synthpop funky du plus bel effet en compagnie de LIL NAS X, rappeur un peu mieux au service de la musique, bonne elle aussi. De même, plus loin, l'autre effort en matière de pop groovy avec les deux rappeuses du duo CITY GIRLS, originaires de Miami et compléments jolis à la voix de CABELLO, à savoir "Dade County Dreaming". Excellent piano et excellent synthés cette fois-ci également. Et dans un registre plus simple, "Pretty When I Cry", autre moment exotique caribéen doté d'une basse-synthé entraînante, joue parfaitement son rôle.

C,Xoxo est ponctué d'interludes réguliers presque tous aussi inutiles les uns que les autres, mention spéciale à "Koshi Xoxo" par BLP KOSHER, un autre rappeur de Floride, ainsi qu'à "Pink Xoxo" (garde donc tes 'bisous bisous', Camila !) où on se dit comme un certain monsieur Mackey, 'la drogue c'est mal, m'voyez !' À l'inverse, quoique sans bijou digne de ce nom, l'écoute des titres restants demeure assez convaincante, notamment pour "Dream-Girls" et sa vibe latino plus intègre, non sans synthés de même que le r'n'b "June Gloom" et son semblant d'harmonie vocale traditionnelle par Camila envers elle-même. Voilà qui vaudra mieux que tous les Melodyne de la Terre ! "B.O.A.T" est intéressant, et, ouf, les guitares acoustiques reviennent le temps d'un "Twentysomethings" mi-complainte mi-espiègle en tout points séduisant.
Promis, on ne dira point que la sincérité paie, que ce type de morceau reste le meilleur de ce qu'on nous propose, ni que CABELLO devrait revenir à cela, quand la teuf' sera terminée. Histoire de nettoyer.