Bon sang de bonsoir, ce que l'industrie musicale peut être mesquine et trompeuse ! Quand "Havana" squattait les ondes en 2017, j'avais tout sauf envie de donner une chance à Camila CABELLO, en me disant qu'il s'agissait là de pop-latina putassière comme on en fait tant depuis euh... SANTANA, presque vingt ans plus tôt ? Rien non plus chez FIFTH HARMONY pour me donner envie. Sauf, à côté des quelques clones de BEYONCE, cette superbe Lauren Jauregui un peu plus en chair et grande fan des DOORS, avec de jolis traits de visage dans ce que le Mexique peut offrir de mieux. Il ne fallait toutefois surtout pas passer à côté de ce petit éclair de chaleur que représente celle dont les fans ont longtemps cru qu'elle formait autre chose qu'une simple partenaire musicale pour Lauren, j'ai nommé Camila CABELLO, la petite Cubaine, première échappée d'un girl-band qui n'allait plus tenir longtemps.

Et donc, pour ce premier album, il fallait un single comme "Havana" pour porter l'ensemble, pour mettre en valeur ce qu'on pourrait vite prendre pour la personnalité entière de la chanteuse-icône de beauté. Un piano simple et racoleur ce qu'il faut, gardant une raideur toute hispanique, soutient la chanteuse et ses 'ooh na-na', palme d'or de la rime la plus faiblarde de l'année. La faute aussi à une surcharge d'Auto-Tune, à un featuring bancale avec YOUNG THUG lui sans personnalité (par rapport à tous les autres soulmen modernes et rappeurs auto-tunés). C'est cool, c'est 'caliente' alors on pousse en avant, on ne jure plus que par cela, au moins le temps d'un été ou du moins la moitié vu que ça sort début août. Pour être honnête, en y revenant et hormis ses sons Pro-Tools, la chanson n'est pas vilaine, elle aurait pu être un bon tube pour SANTANA en 1999-2001 et qui aurait lancé la chanteuse, mais au final, elle arrive seule à squatter la première place pour tout 2018.

Heureusement toutefois qu'elle suffit, à elle seule (sorti le même jour, "OMG", encore plus r'n'b et dégoulinant, est par chance resté un single inédit), pour donner une fausse image de l'album. Certes, avec, outre CABELLO elle-même, dix compositeurs par morceau (à peine exagéré, pour "Havana" notamment) et des effets très actuels pour gâcher le plaisir, comme sur "In the Dark" (autre bonne chanson pourtant), on pouvait facilement penser à un effort maladroit, trente-cinq minutes tout juste bonnes à encadrer le tube. Il n'en est rien : malgré ses moyens déployés, Camila est un des albums pop les plus jolis et personnels de 2018.

"Never Be the Same", deuxième single choisi et d'ailleurs présenté dans une version édit (qui ne change pas grand-chose), joue dans une autre catégorie. Nappe d'orgue solennelle, remontée de percussions façon calypso, puis le tout devient vite une marche sombre et épique. Camila CABELLO toujours flanquée d'une prod' trop moderne hélas, nous émeut grandement en passant de la voix grave des couplets à la voix de tête et au plein aigu des refrains. Outre les sons basiques désormais, il y a un côté stellaire dans cette ballade langoureuse très inspirée, un pont épique avec des tambours. De la belle ouvrage, plus que "In the Dark" qui, encore une fois, contient un très bon fond aussi.

Pour l'exotisme, "She Loves Control" (avec participation de SKRILLEX) n'est pas en reste par rapport à sa suiveuse, il y a le ton plus dansant du merengue, mené de façon sincère et plaintive avec distinction par Camila CABELLO. Des guitares sont nettement audibles aux côtés des rythmiques programmées, une classique-nylon s'ajoute d'ailleurs vers la fin, excellent ! De même, "Inside Out" parcourue d'une belle passion, chaloupée avec un piano encore plus syncopé, une mélodie sensuelle et des steel drums mignonnes. Enfin, "Into It" garde une certaine fraîcheur mais parvient davantage à mêler entêtant et épique, nappe orchestrale aux claviers et efficacité de chanteuse pop. Un des titres où la prod' moderne est la meilleure, indubitablement !

Camila ne serait toutefois pas le disque aussi touchant et dur à soupçonner, s'il n'y avait quatre ballades solides, dont deux plutôt guitares ("All These Years" et "Real Friends"), d'ailleurs seules pour accompagner la chanteuse, chose à laquelle le r'n'b aurait pu ressembler plus souvent. Les deux autres sont plutôt 'piano' comme "Consequences", poignante d'humilité et d'épanchement à fleur de peau, respiration musicale en apesanteur, CABELLO retournant chercher sa voix de tête. "Something's Gotta Give" tire plus vers la folk et une certaine amplitude en retrouvant de l'instrumentation au bout d'un certain temps.

Très, très classe en tout cas, à l'image d'un album surprenant dans son niveau de distribution et pour une telle époque tout de même bien présente et identifiable, faisant de miss Camila une artiste en solo à suivre avec attention.

Note réelle : 3,5 à cause de la prod'