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- Membre : Roland Romanelli

Guy BONNET - Avignoun, Avignoun (1985)
Par MARCO STIVELL le 26 Septembre 2024          Consultée 254 fois

Guy BONNET n'est pas la voix numéro une d'Avignon, ce titre revenant plutôt à Mireille MATHIEU bien sûr, mais aussi Michèle TORR. Toutefois, bon an mal an, et même si la reconnaissance musicale de la Provence a du mal à se faire par rapport à l'art littéraire, il y aide beaucoup mieux que ces chanteuses plus appréciées au niveau national, il est même un peu seul dans son domaine.

Le milieu des années 80 reste un tournant dans sa carrière qui va pas mal se disperser par la suite. En 83, il refait un passage à l'Eurovision avec sa nouvelle chanson "Vivre" et même si le succès demeure moitié moindre qu'en 1970, il parvient à décrocher tout de même la 8ème place sur 20 pays participants. Son quatrième 33-tours provençal (si l'on met de côté la Pastourelle dédiée aux enfants) est enregistré dans les mois qui suivent.

Et c'est avec un immense plaisir non-dissimulé que l'on retrouve, pour la troisième fois consécutive, Roland Romanelli l'illustre aux claviers et arrangements. Le bonhomme est mieux occupé que jamais, entre sa chère et tendre BARBARA toujours d'un côté, mais aussi Jean-Jacques GOLDMAN, Johnny HALLYDAY qui figurent parmi les vedettes les plus remarquées de l'époque. En revanche, les musiciens accompagnateurs de ce quatrième album ne sont pas notés, dommage !

Sur le même développement que le troisième album en 81, tout en reprenant également l'entrain pop-vaguement-rock-et-même-un-peu-plus-reggae apparu sur le deuxième en 79, les synthétiseurs – grâce à Romanelli - sont largement et judicieusement déployés autour du piano électrique Yamaha CP-70 ample et beau. Le dernier titre, "L'.O.V.N.I.", en plus de sa couleur science-fiction inattendue (mais tellement propice dans le grand ciel étoilé de Provence) est assez parlant sur ce plan.

Outre les choeurs féminins toujours particulièrement délicieux employant la langue d'oc auprès du chanteur, la grande nouveauté de ce disque est le saxophone, plutôt pas mal présent depuis le final de "Vièure" (adaptation de "Vivre", la chanson de l'Eurovision). Alto la plupart du temps, et quoique atteint du syndrome 'deuxième album de GOLDMAN' (car présent sur la plupart des titres mais parfois pour trois fois rien), on pourrait reconnaître Patrice Bourgoin à cause notamment du timbre rugueux du sax ténor sur "Fai de Bèn a Bertrand"/"Fais du Bien à Bertrand".

Si Guy BONNET travaille avec Fulbert CANT (un des artistes occitans les plus prolifiques depuis les années 70) de façon rapprochée, y compris pour "Vivre", on remarque chez lui quelques envies de reprises. Avec "Quouro Avèn Que l'Amour", il s'attaque tout de même à Jacques BREL, "Quand On N'a Que l'Amour", avec une ambiance slow 70's pas piquée des hannetons ! La couleur sonore change, la langue aussi, mais pas l'intention et le chanteur, sans égaler le Maître, reste à la hauteur.

L'autre reprise, plus remarquable, est "Li Marcat de Prouvènço", soit une revisitation très folklorique des "Marchés de Provence" de Gilbert BECAUD et son mentor/parolier fétiche Louis Amade. Ce dernier, lui-même occitan mais plutôt des Pyrénées-Orientales (66, le département de Perpignan), avait été encore un peu loin du Rhône en s'inspirant du somptueux (à l'époque) marché du cours Lafayette, à Toulon, qui descend presque jusqu'à la rade et la mer. Là encore, sans atteindre 100.000 volts, BONNET y met de sa bonne verve sur une farandole synthétique, entre deux accalmies charmeuses, notamment ce couplet final où ça parle de 'filles' du soleil et d'idées charmeuses.

Le reste de l'album se tient bien. Outre le BREL et "Vièure" qui s'accordent bien en termes de ballades lyriques, avec un peu plus de dynamique pour la seconde (sax, piano bastringue), le disque propose de la bonne légèreté en pop-reggae avec "Femo", autrement dit "Femme", ode aux 'pécheresses' selon la Bible mais qui portent 'le grain de demain'. Tout aussi bien aidé par les choeurs féminins et des claviers amples, de l'harmonica même, "Lou Blues doù Cantaire d'Oc"/"Le Blues du Chanteur d'Oc" est d'une classe folle.

On y sent tout l'humour un peu corrosif type second degré de Fulbert CANT dans les paroles, et Guy BONNET au chant met parfois un ton guerrier, comme sur "La Garrouio"/"La Bagarre", avec un saxo rythmique bien accordé. Idem de "Fai du Bèn a Bertrand"/"Fais du Bien à Bertrand", inspiré d'un proverbe local, qu'on sort quand on se fait entuber, mais qui ressemble légèrement à un pamphlet contre Mitterrand.

"L'O.V.N.I.", en plus de quelques subtilités épiques, reste amusant pour les voix féminines (ou peut-être chants d'enfants ?) accompagnant BONNET dans un esprit convivial, entêtant et une nouvelle fois teinté de rêveries enfantines regardant le ciel nocturne, voyant venir ses possibles habitants. Et on note le son urbain ou presque pourtant dédié au plus beau fleuve du monde, à savoir le Rhône ("Lou Rose").

Et qui dit Rhône dit la plus belle des villes qu'il borde, la cité des papes, la plus belle du monde même ; du moins, c'était le cas avant ces quinze dernières années, avec d'abord la suppression des places pour voitures autour des remparts du centre au profit d'espaces verts bobos, entre autres aberrations massives. "Avignoun, Avignoun", dans la langue frédéricmistralienne, si chère au coeur de BONNET, au point que ce morceau-là, il l'écrit tout seul.

Pour une bonne partie de la chanson, on dirait, chose amusante, une grande valse russe. Menée par la belle voix de l'intéressé, cette déclaration d'amour à Avignon conjuguée à une mélodie caressante, entêtante, se trouve interrompue pour un interlude folk dansant au beau milieu, comme la reprise de BECAUD. Le sax ne sert pas à grand-chose sauf pour le côté 80's, mais l'air reprend la célébrissime "Sur le pont d'Avignon" (nommé Saint-Bénézet, pour info). Et comme c'est du binaire en diable par opposition au ternaire des parties chantées, il a donné quelques sueurs froides à quelques jeunes pousses danseurs/euses durant les chorégraphies de la nuit du 14 juillet, sur ledit pont et au bord du Rhône (pas vécu, pas directement) !

Voilà donc pour ce disque encore bien fourni, même si moins bon que le précédent, pratiquement du même calibre que le second. À la mémoire de Guy BONNET, ambassadeur en musique, décédé au début de l'année 2024 à 81 ans.

Note réelle : 3,5

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