Junkyard est une sorte de consécration en même temps qu’un piège tendu à The BIRTHDAY PARTY.

Le public, à présent conquis et massif, ne vient plus seulement écouter de la musique mais assister à la représentation complète de la troupe de Nick CAVE dont on sait qu’elle sera dangereuse, comme les promoteurs en font désormais la publicité. Le goût du sang et de la sueur devient le moteur voyeuriste d’une curiosité morbide ne dupant pas les Australiens. Le succès critique les taraude également car il va de pair avec reconnaissance et institutionnalisation, ceci induisant une certaine conformité à laquelle ils se sont toujours refusés et les effrayant au plus haut point.

Dès lors comment se réinventer efficacement ?

La réponse vient d’un déménagement à Berlin courant août 1982 après les ultimes dates d’une tournée voyant le collectif s’arrêter pour la première fois en Allemagne, une ville qu’ils jugent plus stimulante que Londres. Ils y découvrent une nouvelle liberté se manifestant via des clubs ou autres établissements ne fermant pas la nuit, des drogues circulant en abondance et une vie bien moins chère. De plus, The BIRTHDAY PARTY partage la même vision artistique que les groupes issus de la scène berlinoise qu’ils rencontrèrent pendant la tournée, comme DIE HAUT, MALARIA ! ou EINSTÜRZENDE NEUBATEN dont le leader Blixa BARGELD impressionna énormément CAVE. Cette nouvelle aventure se fait d’ailleurs sans le batteur Phill CALVERT, exfiltré sans ménagement, bien qu’il soit un ami d’enfance des autres musiciens, ces derniers lui reprochant son côté trop impassible et professionnel. Une fin au goût toujours amer pour le batteur.

Stimulé par cet environnement inédit, The BIRTHDAY PARTY multiplie projets et concerts puis entre en studio en octobre 1982 afin d’enregistrer un E.P. Intitulé The Bad Seed, le disque inaugure la formule plus resserrée du groupe avec Mick HARVEY s’installant derrière les fûts. Quatre compositions originales sont ainsi gravées aux mythiques studios Hansa, bâtiment figé dans le passé après lequel il n’y a plus rien, si ce n’est le Mur. Des chansons exacerbant un groupe n’oubliant pas son savoir-faire historique ("Sonny’s Burning" au son dur, pratiquement métallique dont la phrase introductive est sans équivoque) mais ouvrant sa musique à une certaine respiration. Le blues "Wildworld" se fait plus plaintif tout comme le vaseux "Deep in the Woods" convoquant les DOORS. "Fears of Gun" est quant à lui une curiosité funky d’excellente facture évoquant presque les RED HOT CHILI PEPPERS.

L’ambiance au sein de The BIRTHDAY PARTY n’est toutefois plus aussi idyllique. Les guerres d’ego et les excès en tous genres ont mené le groupe australien au bord de la rupture et un premier point de non-retour est atteint en avril 1983 lorsque Mick HARVEY, qui tenait la formation à bout de bras depuis des mois, refuse de repartir en tournée après avoir évoqué une éventuelle séparation pendant les sessions produisant les chansons irriguant Mutiny ! L’explosion se produit finalement en août 1983 à Londres alors que The BIRTHDAY PARTY retravaille sa dernière création.

La relation entre CAVE et HOWARD, de longue date tendue, tourne à l’orage lorsque Nick invite en studio un BARGELD de passage à Londres. HOWARD, le seul pensant encore qu’un futur pouvait se dessiner pour le groupe, ne supporte pas que le musicien allemand s’immisce dans leur processus créatif et claque la porte. Les sessions se terminent avec BARGELD, ce dernier figurant aux crédits d’un "Mutiny in Heaven" singulièrement sur la corde raide. Globalement, cet enregistrement, bien qu’il poursuive les recherches entamées récemment (lancinant "Jennifer’s Veil" puis une première version de "Six Strings that Drew Blood" bientôt retravaillée), s’avère un peu brouillon et linéaire, bien que toujours propice aux impressionnantes déflagrations ("Swampland"), sans aucun doute un résidu tenace de ces conditions de conception. Seul le terrible "Say a Spell" parvient à se démarquer nettement.

Rapidement après cela, le bassiste Tracy PEW retourne à Melbourne, ceci entérinant la fin de l’aventure The BIRTHDAY PARTY dont il était garant de l’esprit. Une fin que CAVE avait pleinement intégrée et qu’il désire mettre à profit immédiatement via un projet suivant sa nouvelle sensibilité artistique.

3.5/5