C’est l’histoire d’un retour inattendu comme seul le monde de la musique en a le secret.

L’âme vitale d’AMEBIX avait tourné le dos à sa créature, prise au piège de son propre succès et de chamailleries contractuelles, Heavy Metal Records rencontrant des difficultés en son temps pour distribuer le second album gravé par le groupe anglais. Rob MILLER alias "The BARON" était ainsi passé à autre chose, troquant ses rêves musicaux et sociétaux contre une existence paisible loin du tumulte mondial, apprenant la forge des épées sur la minuscule île de Skye quand son frère Chris STIG" poursuivrait avec SPIDER et GEORGE sous le pseudonyme de ZYGOTE, projet pour le moins éphémère ayant duré seulement deux ans.

Malgré tout, le poison ensemença un sol fertile qui n’en demandait pas tant. Deux albums novateurs, l’un étant la première réalisation européenne du label de Jello BIAFRA, Alternative Tentacles, trouveraient des oreilles avides de sons tranchants et uniques. Parmi ces disciples, de nombreux Américains dont le batteur Roy MAYORGA, vu chez SOULFLY ou STONE SOUR, décisif dans la décision mûrie des frères MILLER qu’AMEBIX aurait un propos légitime à asséner durant ces temps étranges.

Après la réédition digitale de Monolith en 2008, ils traversent ainsi l’Atlantique début 2009 pour la première fois dans le cadre de huit dates au succès tel qu’ils remettent ça quasi-immédiatement en y adjoignant le Canada. Ces concerts renforcèrent envie et inspiration en vue d’écrire du matériel neuf, celui-ci se matérialisant via un inaugural single "Knights of the Black Sun" en juin 2011, chanson lumineuse et mélodique que le groupe qualifia d’arrivée à maturité de sa musique. Sonic Mass, son contenant, déboulerait dans les bacs trois mois plus tard.

Réflexion mature sur les vies menées et validant le parcours effectué, l’album est finalement, si l’on y réfléchit bien, une sorte d’aboutissement pour AMEBIX. Riche et varié, doté d’une production surpuissante, on y retrouve les ingrédients basiques de cette recette atypique : de gros riffs de guitare gras, la voix hurlée du BARON, les batteries tribales et la basse branchée sur les machineries industrielles. L’influence KILLING JOKE déjà tout à fait palpable à l’époque est devenue impossible à oblitérer, surtout depuis que Jaz COLEMAN et ses compagnons ont radicalisé leur musique à l’orée des années 2000 via leur album éponyme de 2003 amorçant un virage ouvertement métallique. Ainsi le monstrueux instrumental "Shield Wall", "The Messenger" ou l’orientalisant "God of the Grain" brouillent les pistes à un point tel qu’il est impossible de savoir qui stimule qui. Disons que chacun se nourrit de l’autre à l’image de deux parasites cannibales néanmoins hôtes de bonne volonté.

leMais Sonic Mass brille également par des pièces plus inattendues, telles qu’on pouvait déjà en trouver auparavant, citons les étranges "The Darkest Hour" ou "Sunshine Ward". Basse, voix claire et mellotron irriguent un émouvant "Days" introductif soldant aigrement les comptes d’un idéalisme passé, à moins qu’il ne s’agisse de naïveté (Ces jours ne reviendront jamais). "Sonic Mass Part 1" est un morceau entre folk et country absolument superbe où la voix usée du BARON fait merveille. Une voix encore capable de pousser des cris surhumains, tel celui ouvrant "Visitation", mid-tempo trop long, cependant doté à nouveau d’un riff immortel et cultivant un certain mystère avec des vocaux parlés dignes de SLINT.

Ce retour aux affaires sera aussi bref que l’inattendu éveil d’un profond coma, AMEBIX regagnant l’ombre dès le 28 novembre 2012. Toutefois, Sonic Mass se pose là, en tant qu’épitaphe intègre d’un groupe ne l’étant pas moins. Un disque où, comme l’indique sa pochette, les combats ancestraux font rage. Le soleil contre la lune. Le bien contre le mal. La lumière contre les ténèbres. La vie contre la mort.