Deborah Ann 'Debbie' GIBSON est une sorte de personnification du rêve américain, le genre de personne qui semble née pour être star et voir sa carrière se dérouler avec, à défaut d'aisance, un beau maintien pour le moins, et sur des décennies durant. Bien entendu, la plus importante demeure la première, les années 1980 – seconde moitié - qui l'ont plus que révélée, même si cela reste d'abord aux U.S.A. et par extension Canada voire Australie/Nouvelle-Zélande, avec pas mal de reconnaissance en Grande-Bretagne/Irlande et en Europe nordique (Pays-Bas/Suède/Finlande). Encore une inconnue en France, donc, où le nom de MADONNA résonne trop.

Mademoiselle GIBSON voit le jour à Brooklyn par un beau 31 août 1970, troisième née d'une fratrie ou plutôt sororie puisqu'elles sont quatre filles, et grandit à Long Island, New York toujours. Son père Joseph, avec des origines allemandes voire russes, abandonné par sa propre mère dans un orphelinat, s'est beaucoup réfugié dans le chant, la musique et a su transmettre sa passion. De même, maman Diane Gibson, au nom de jeune fille Pustizzi et descendante d'immigrés siciliens, encourage très vite sa fille Deborah/Debbie à poursuivre dans cette veine et deviendra sa coach en plus du côté 'poule'. En somme, une vraie mère-manager ou, comme le dira Debbie, 'momager'.

Depuis toujours ou presque, notre petite artiste exprime ses talents de musicienne et d'actrice, puisque dès l'âge de 5 ans, elle écrit sa première chanson et fait du théâtre en compagnie de deux de ses soeurs, Karen l'aînée (la cadette se nommant Michele) et Denise, la benjamine. Dès 8 ans, elle chante dans la chorale du Metropolitan Opera House à New York où, entre autres, elle croise monsieur Placido DOMINGO. Dès 1983, après que Debbie a gagné dans un radio-crochet avec une nouvelle chanson, le garage familial, sur ordre de maman Diane, est reconverti en studio musical.

Chose amusante, en 1984, notre petite chanteuse apparaît dans le film à immense succès Ghostbusters/S.O.S. Fantômes, durant la scène où Louis, lors de sa fête nocturne perturbée, est poursuivi dans Central Park par 'Vinz Clortho' et est acculé contre la vitre du restaurant Tavern on the Green. C'est elle la fille attablée à droite, célébrant son anniversaire en famille, qui tourne simplement la tête en pur calme pendant que Louis hurle d'effroi. Un caméo léger donc et qui prête à sourire dans le contexte, mais qui définit bien sa vie, sa carrière : une vraie princesse qui, contre vents et marées, tient bonne place dans son monde et continue de briller.

Après le succès immense de MADONNA lors de ses débuts durant cette période de la décennie, ses adoratrices chanteuses en herbe, collégiennes-lycéennes qui vont rêver du même succès sont légion. Parmi celles qui perdureront, il y a Debbie GIBSON ainsi qu'une certaine TIFFANY, à qui la presse et le public donneront toujours un peu le même type de 'rivalité' que l'on reverra plus tard, entre SABRINA et Samantha FOX, voire à l'ère Internet, avec Britney SPEARS et Christina AGUILERA. Néanmoins, Debbie reste, dans le lot, l'ange blond, la vraie gentille et avec une voix aussi maîtrisée qu'agréable, ce dont à quoi peu de chanteuses de son rang peuvent prétendre. Et cela, on le lui reconnaît dès son premier album, écrit totalement, enregistré et co-produit par elle-même, tout cela oui, alors qu'elle n'a que 16 ans.

En 1986, Debbie GIBSON capte l'attention d'Atlantic Records avec la chanson "Only in My Dreams" (où l'on remarque d'ailleurs dans les choeurs la présence de Norma Jean Wright, chanteuse de CHIC). Alors qu'elle est au lycée et que, accompagnée de sa mère, elle tourne dans tous les bars-clubs possibles, elle réalise Out of the Blue, l'oeuvre de la grande révélation américaine qui s'écoulera à trois millions de copies, cinq pour le monde entier. L'autre architecte à part Debbie elle-même en est Fred Zaar, co-producteur principal et claviériste en chef (même si Debbie en joue aussi), qui a travaillé avec MADONNA sur son premier album et même les VILLAGE PEOPLE. Trois titres ("Red Hot", "Play the Field" et "Between the Lines" passent par des mains extérieures.

Ce qu'il y a de remarquable avec Out of the Blue, c'est qu'en dehors de sa pochette encore très enfantine (nounours inclus), on a beau y retrouver tous les tics dance-pop teen/adolescente de l'époque, à plus forte raison en 1987 (il sort le 18 août, peu avant le dix-septième anniversaire de Debbie), le résultat n'a rien de honteux, ni même de terne. Les guitares électriques sont plutôt présentes et intelligentes, les quelques rares attaques de cuivres au synthé sur le refrain de la chanson-titre ne gênent aucunement (ce qui, pour l'époque, n'est pas peu dire), et le saxophone de Jeff Smith, omniprésent, semble d'emblée indissociable de la voix de Debbie.

Voix d'ange, voix d'or dans son domaine pop aux paroles écrites dans sa chambre de fille remplie de peluches et de posters mais avec un bon feeling et qu'elle sait bien retransmettre. "Only in My Dreams", avec sa basse proéminente (la seule 'vraie' de l'album) et ses castagnettes, au rythme funk-latino séduisant, sans oublier le ton plus pop-rock binaire du refrain (une des marques de fabrique de l'album, ou alors pour les 'bridges'/ponts) avait de quoi séduire il est vrai. Un bon numéro 4 mérité au classement Billboard principal, auquel se substitue, à la même place exactement, le deuxième single, "Shake Your Love", entêtant et sensuel, premier tube international de Debbie GIBSON (numéro 10 en Grande-Bretagne).

Après "Red Hot", pop-rock héritier des années 60 du même calibre et des plus sympathiques mais qui rate son coup hélas, puis "Out of the Blue" en quatrième single, numéro 3 au Billboard, imparable avec son esprit funk-castagnettes, ses sentiments d'adolescente joliment soulignés par des effets magiques au synthé et un bon solo de guitare, Debbie décroche son vrai numéro un avec "Foolish Beat", une... ballade ! Cette chanson qui fait d'elle la plus jeune artiste à réussir un tel carton, en tant que compositrice-interprète et même productrice seule pour le coup, n'est autre qu'un slow grandiose, sax déchirant à l'appui et refrain hanté, sans excès contre toutes attentes et avec tout ce qui prouve que Debbie, si jeune, a tout d'une grande.

D'ailleurs, après le clip de "Out of the Blue" encore très enfantin, album de photos animées et bataille de polochons avec sa petite soeur Denise et leur cousine, celui de "Foolish Beat" fait déjà plus 'adulte' avec quelques tenues un peu plus sexy empruntées à Michele, la grande soeur ! Il n'y a qu'une seule autre ballade sur l'album, "Between the Lines", un peu plus marquée par les cuivres programmés en plus du sax de Jeff Smith, est un peu plus redondante mais Debbie au chant y est géniale, adorable.

Le reste de l'album enchaîne les tempi dance, avec là encore un peu trop d'unité certes, mais de la qualité. "Fallen Angel" sonne plus africain, tandis que "Play the Field" joue la carte anatole espagnole au niveau des accords. On retient surtout "Wake Up to Love", plus fun avec un penchant exotique voire calypso sur le refrain, qui sied à merveille à notre jeune chanteuse, et bien sûr "Staying Together", haletant car rempli du besoin de communication amoureuse, qui introduit le sax avec force sur le disque. Un ensemble très homogène, qui serait 'réussi, sans plus' s'il n'y avait l'étoile, la première personne concernée qui n'aura peut-être plus autant de succès sur la longueur mais qui mérite bel et bien qu'on la suive.

Note réelle : 3,5