Lorsqu'on parle folk-punk, souvent appelé (et trop souvent à tort) punk celtique, on parle alors d'un genre très codifié, parfois engoncé dans un cadre rigide qui voit les artistes apporter leur touche personnelle essentiellement par l'interprétation. Si certains groupes ont tenté (et sont parvenus) à rompre les codes et à repousser les barrières (à l'image des fabuleux canadiens de The STANFIELDS), la plupart court derrière les grands noms que sont les DROPKICK MURPHYS, les FLOGGING MOLLY et les REAL MCKENZIES pour tenter de se faire une petite place au soleil. Depuis qu'ils ont connu une exposition mondiale en 2010 avec leur "An Irish Pub Song", devenu un classique du genre, les Australiens de The RUMJACKS se sont doucement et solidement imposés comme une valeur sûre d'un folk-punk intransigeant et authentique. Si les déboires judiciaires du chanteur Frankie Mclaughlin ont quelque peu chamboulé le groupe, l'arrivée de l'Américain Mike Rivkees et la publication du formidable album Hestia en 2021 lui ont permis de se recentrer et de proposer une musique à la fois engagée et respectueuse de l'héritage des saints patrons. Dead Anthems, sixième album du groupe, attise une flamme qui, loin de s'éteindre, alimente ici un brasier dans lequel on se jette avec délectation.

Enregistré aux studios d'Asbury Park, dans le New Jersey, et produit par le chanteur du groupe, Dead Anthems est une ode à la tradition. Il y a ici une énergie brute qui se pose en référence avec les réalisations de jeunesse de la formation, et un ton bien plus léger que sur Hestia. "Come Hell or Highwater", avec sa mandoline sautillante doublée d'une flûte aérienne, s'en fait la preuve. Le tempo est décoiffant, les guitares mordantes, et le chant percutant, mais l'omniprésence de chœurs fédérateurs sur le refrain donne à ce morceau des airs de célébration. Mike Rivkees évoque ici l'histoire de ses ancêtres (et par extension des ancêtres de millions d'Américains), chassés d'Irlande et portés par l'espoir de trouver une vie meilleure sur le nouveau continent. Cette même mandoline, soutenue cette fois par un accordéon dansant, n'est pas avare en bons moments sur "They Kick You When You're Down" qui succède avec brio au morceau d'ouverture et nous présente une nouvelle couleur de la formation.

Sans à un aucun moment bousculer les codes, les RUMJACKS jouent astucieusement avec les curseurs pour nous présenter des morceaux tous dotés d'une personnalité propre. Tête de gondole de l'album, le fédérateur et festif "Cold Like This", sur lequel intervient en invité Ken Casey, chanteur des DROPKICK MURPHYS, se fait un sympathique chant de marin bourré, cherchant son chemin à la sortie du pub par une soirée glaciale, titubant autant sur terre que sur mer. La guitare rugueuse et les chœurs costauds donnent à ce titre imparable toute sa saveur, malgré des motifs mélodiques rappelant un peu trop la ballade irlandaise traditionnelle "Star of The County Down ". Allant chercher du côté folk, plus moderne, "An Irish Goodbye On St Valentine's Day" s'impose naturellement comme un grand moment, au même titre que "Eye For An Eye", auquel une flûte solennelle confère un côté presque épique.

"Scandal", porté pour sa part dans une direction ska-punk, souffre d'une mélodie un peu faiblarde, symptomatique d'une léger ventre-mou qui empêche cet album d'être un uppercut aussi marquant que son prédécesseur. Pour autant, il se termine sur une très belle note, avec une pièce d'orfèvre folk-punk mélodique, "Some Legends Never Die", écrite suite au décès de Shane MacGowan, dont l'influence sur les RUMJACKS est évidente.

Restant dans les balises, le groupe australien propose un sixième album abouti qui voit les RUMJACKS enrichir leur répertoire de nouveaux morceaux de qualité. S'il manque à Dead Anthems un peu de l'intensité de Hestia, ceux qui seraient amenés à découvrir la musique de la formation avec cet album en auront pour leur argent.

3,5/5