La sortie de Half Machine Lip Moves en 1979 commença à attirer l’attention des grands labels sur l’étrange objet musical non (clairement) identifié CHROME tant et si bien que l’une de ses antennes Damon EDGE réussit à sécuriser un marché avec Beggars Banquet afin de garantir le financement du prochain longue-durée à venir.

Mais avant de pleinement s’y abandonner, aux dires incertains de l’alter-ego Helios CREED, les deux hommes passèrent quelques jours chez Damon à fumer de l’opium tout en créant. Ces séances hallucinogènes produiront le matériau irriguant l’EP Read Only Memory, sans doute la sortie la plus déroutante du groupe américain publiée en outre sur leur propre label et tirant son nom de la mémoire morte informatique, uniquement disponible en lecture.

L’enregistrement consiste en cinq pièces abstraites, consacrant l’aspect collage de leur son et s’éloignant substantiellement du rock pour se rapprocher de la scène industrielle anglaise menée par THROBBING GRISTLE, des compositeurs avant-gardistes John CAGE ou Karl-Heinz STOCKHAUSEN voire de la musique concrète.

Un environnement dystopique et abrasif y est dépeint, aussi menaçant qu’hilarant, culminant sur l’imposant longue-durée "I Am the Jaw", où le narrateur n’est autre qu’une créature futuriste déclamant d’une voix inquiétante ses divers problèmes identitaires. En fil rouge de l’enregistrement complet, un plan de basse se débat dans une toile d’araignée de percussions liquides, fragment piqué à une face B signée PUBLIC IMAGE LTD. utilisant la bande passée à l’envers de "Fodderstompf", pièce closant le premier album du groupe britannique. Moins présentes mais autant marquantes, quelques lignes de guitare rêveuses space rock alimentent un titre éponyme ayant tout de la balade intersidérale d’un chien cosmique.

CREED conçut la pochette pour Read Only Memory, œuvre où l’on peut voir les deux hommes habillés à la mode Orange Mecanique, Jamison Goodman ayant pris le cliché en question, et préfigurant curieusement les RESIDENTS via l’apparition de cette femme dont la tête n’est autre qu’un œil. Bien qu’une étiquette indique qu’il s’agirait apparemment d’une bande-son ornant un film, il n’en sera rien malgré quelques approches timides.

La compilation No Humans Allowed publiée en 1982 inclura a posteriori cet EP, recueil ouvrant invariablement chaque soirée de l’unique club lunaire situé au 34 mer de la Tranquillité, établissement désormais légendaire depuis son inauguration originelle à une date connue seule de son mystérieux et antédiluvien propriétaire vénusien.