San Francisco fin des seventies... Dans le rock underground ,deux scenes apparaissent. La scène hardcore punk pointe son nez avec les DEAD KENNEDYS et les CRIME, la “new wave” avec des formations “arty” comme les TUXEDOMOON. La ville a été aussi le témoin de l’explosion psychédélique à la fin des flamboyantes “sixties”.
C’est dans ce contexte complètement borderline que se croisent deux “freaks” hallucinés Damon Edge et Helios Creed. Le premier a fréquenté les écoles d’art et écoute pas mal de musique contemporaine, le second a été traumatisé à vie par les solos “cosmiques” de JIMI HENDRIX. Ils s’entendent aussi sur toute une culture “bis” cinématographique, particulièrement les histoires de martiens qui débarquent sur terre… La connexion étant faite, ces deux cramés du bulbe (chromés ?) vont créer un des groupes les plus “space” (dans tous les sens du terme!) de l’histoire…

En témoigne cette troisième oeuvre, certainement la plus extrémiste de la discographie du duo fracassé aux acides, sortie en 1979 qui reste un jalon dans cette scène post punk émergente. Le carnage planant commence par un bordel assuré sur le premier titre “tv as eye”, qui finit avec les sons d’un synthé foutant les jetons … On sent ensuite l’influence du “rock motoric” à la NEU avec une batterie tribale (ta ta tik ta ta tik) sur les deux morceaux suivants ainsi que les travaux dadaistes de CAPTAIN BEEFHEART. Cette dernière influence se retrouve aussi sur le très “cyber blues” “critical mass”. La guitare sonne à la fois très punk ( le duo a écouté visiblement les déflagrations des PISTOLS) et très acide, le groupe mariant donc deux courants à priori irréconciliables. On parlera alors de la naissance d'un sous genre, le "punk acide"...

On y entend aussi des chuchotements à la fois cinglés et effrayants mélés d’inquiétants rires. Des “growls” de créatures non identifiées apparaissent(on suspecte d’ailleurs que des reptiliens soient derrière ces titres insensés!). Les vocaux font ainsi penser à l’autre groupe qui révolutionne l’underground à lui tout seul, leurs frères ainés, d'autres natifs du terroir : les très mystérieux RESIDENTS. L’intro de “Mondo anthem” annonce les futurs délires heavy et barges des BUTTHOLE SURFERS. Le titre éponyme sonne comme du proto stoner préhistorique que l’on retrouve de mème sur un morceau comme “Turn around” qui plairait bien, tiens, à l’ami RED ONE.

Sinon on baigne dans un climat de science fiction de série B comme peut ainsi l’illustrer l’angoissant “I am the jaw”. Les sonorités ambient sombrent souvent dans du space rock horrifique à souhait. On est plus proche ici d’un HAWKWIND que d’un TANGERIME DREAM. Pas loin d’”Alien-le huitième passager” (qui sort d’ailleurs la mème année) , un peu moins de “Planète interdite” pour l’ambiance cinématographique… Par moments, on nage aussi dans du “proto shoegaze” comateux. Le tout est renforcé par divers bruitages qui feront rattacher CHROME à la scène industrielle naissante par l’utilisation excessive de collages surréalistes.

Toujours dans cette Californie bouillonnante, dans les eighties, d’autres jeunes bruitistes s’inspireront de ce disque hallucinant : SAVAGE REPUBLIC, NEUROSIS… et bien d’autres dans le monde (voire la voie lactée!). De mème, les groupes des vagues gothiques/cold wave/industriels citeront souvent ce disque barré comme une grosse influence.