Carlos Núñez le Galicien en est à son troisième album lorsque sa maison de disques (BGM) lui propose de publier un best-of retraçant son bref parcours. On pourrait s’étonner de cet empressement à sortir une compilation, mais il s’agit en définitive d’une bonne initiative. A l’époque, Carlos Núñez est surtout populaire en Espagne (dont la Galice est une région, fortement attachée à ses racines celtes. Pour les nuls en géo, elle se situe au nord du Portugal…), et ce Todos Os Mundos est une bonne occasion de le présenter au public européen voire international. La séance de rattrapage commence ici.

Ce disque regroupe donc des morceaux issus des 3 albums publiés, mais également certaines de ses contributions avec le fameux groupe de folk irlandais, les Chieftains, ainsi que certaines de ses prestations au sein de l’Héritage des Celtes, le collectif de musiciens mené par Dan Ar Braz. On notera que certains titres sont des versions « édit » (comprendre plus courtes que les versions studio), mais cela ne nuit pas vraiment à la bonne appréciation du disque. Au contraire, cela nous permet d’entendre un total de 19 titres, plutôt représentatifs de son style, pour un peu plus d’une heure de musique.

A l’écoute de cette compilation, on prend la mesure de l'atmosphère multiculturelle dans laquelle baigne Carlos Núñez, qui parvient à mélanger ses racines celtes et espagnoles, le rock, la tradition plutôt instrumentale et la chanson. De nombreuses voix féminines viennent apporter leur contribution chaudement mélancolique, comme, entre autres, Teresa Salgueiro, Dulce Pontes, Luz Casal, ou Noa. La musique celtique est particulièrement mise à l’honneur sur les titres joués en collaboration avec les Chieftains et Dan Ar Braz, Setting Sail (de la B.O. du film l’Île au Trésor), Tears Of Stone (de l’album Santiago des Chieftains), Aires de Pontevedra, et a Costa de Galicia (prestations live avec l’Héritage des Celtes, très réussies), tandis que l’influence espagnole ressort sur des morceaux comme A Irmandade das Estrelas et ses arrangements flamenco, Maria Soliña, Lela, ou Negra Sombra, qui nous dévoilent une facette plus mélancolique.

Mais la force de Núñez est de savoir mélanger tous ces genres, d’opérer leur réunion jubilatoire en faisant exploser leurs cloisons, comme sur les très folk rock Viva la Quinta Brigada et The Raggle Taggle Gipsy (raaaahhh ! le solo final !), ou le jouissif Jigs & Bulls qui propose un duel guitare flamenco/cornemuse galicienne (gaïta) de toute beauté. On ajoutera également les références à la musique cubaine, toutes en rondeurs chaleureuses et festives, sur A Orillas del Rio Sil ou Para Vigo Me Voy. Même avec ça, on peut encore ajouter les contributions de divers d’artistes comme Ry Cooder, Jakson Browne, Mike Scott, ou encore un chœur soufi et andalou. « Richesse culturelle » apparaît véritablement comme le maître mot de la musique que joue Carlos Núñez, « enthousiasme communicatif » étant bien sûr le second et corrélationnel du premier…

Personnellement, j’accroche davantage aux morceaux typés « celtiques » (avec un coup de cœur pour The Raggle Taggle Gipsy, Jigs & Bulls, et Aires de Pontevedra), mais l’ensemble de l’album se laisse très agréablement écouter. En ce début de siècle, Carlos Núñez se pose incontestablement comme l’un des futurs grands artisans de la musique celtique, et même si je vous conseillerais plutôt d’essayer le génial Un Galicien en Bretagne, ce best-of constitue une très bonne entrée en matière ou un très bon tour d’horizon, si l’on préfère, des territoires explorés jusqu’à présent par l’artiste galicien.