Comme le dit l'expression célèbre, c'est lorsque l'on se trouve au pied du mur que l'on voit le mieux le mur. Après l'avoir escaladé avec une facilité déconcertante à la fin des années 90, GREAT BIG SEA a laissé le mur s'effriter sous lui, incapable de se renouveler et d'intégrer de nouveaux éléments dans son folk rock celtique. Le mur menace de tomber, et sans un peu de torchis pour consolider ses fondations, la chute risque d'être brutale. Le trio canadien en a bien conscience, et décide de sortir truelles et casques de chantier à l'occasion de ce Something Beautiful qui constitue sa sixième livraison studio.

Exit tout d'abord l'ouvrier tire-au flanc, Darrell Power, remplacé au poste de bassiste par un travailleur besogneux, Murray Foster (ex-MOXY FRÜVOUS). Se retroussant les manches, le combo de Nouvelle-Angleterre décide de laisser de côté les adaptations de morceaux traditionnels celtiques qui avaient pourtant participé à son succès pour ne proposer que du matériel personnel, ou presque. La reprise de RUNRIG, « Pride of the Summer » (ici rebaptisée « Beat the drum »), témoigne tout de même de cet attachement du groupe à la culture et à la musique écossaise, tout comme le solennel « John Barbour », placé en fin d'album. Répétitif et monotone, ce morceau fait néanmoins bien pâle figure face aux autres titres qui composent ce Something Beautiful.

Lassé de mettre de l'eau dans son vin, GBS a en effet décidé de tourner au gros rouge et de muscler son folk rock, délaissant les influences pop qui prenaient de plus en plus d'importance sur les albums précédents. En témoigne ce « Shines right throuh me » introductif qui, énergique et riche en instruments (flûte, piano...), sert parfaitement la voix chaude d'Alan Doyle pour un résultat tout bonnement bluffant et montrant GBS sous son meilleur jour. Il en va de même pour l'imparable « If I am king », doté d'un refrain fédérateur et d'un groove dantesque, témoignage de l'inspiration retrouvée du groupe. Dans le même esprit, l'endiablé « Helmethead », seul titre de l'album chanté par Bob Hallett, est une petite sucrerie débridée qui génère une irrépressible envie de lever le coude.

Mais que serait un album de GBS sans ces précieuses ballades qui offrent une variété nécessaire à l'opus ? Elles sont ici nombreuses, et comptent parmi les plus réussies du groupe : « Something beautiful », riches en flûtes et en harmonies vocales, s'insinue chez l'auditeur en parvenant à générer une délectable émotion. Résolument folk et celtique, « Lucky me » contribue à reconstruire le mur jusqu'à un niveau fort acceptable. Riche en violons, cette lente mélopée acoustique offre un moment rare de bonheur pur pour l'auditeur, qui ne peut résister à ce piano intimiste, à ces guitares enveloppantes et à la voix chaude et rassurante d'Alan Doyle.

Sursaut salvateur d'un groupe alors en pente douce, Something Beautiful est l'album de GREAT BIG SEA que l'on attendait fébrilement sans trop espérer. Inspiré et varié, il permet au groupe de se remettre le pied à l'étrier et repartir tête baissée pour un nouveau tour de manège, que l'on espère sans fin.