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GENTLE GIANT - Acquiring The Taste (1971)
Par JOVIAL le 27 Mai 2011          Consultée 4612 fois

. Notre but est d’explorer les frontières de la musique populaire contemporaine au risque d’en devenir très impopulaire […] Cela doit être unique, aventureux et fascinant. Nous avons utilisé et combiné toutes nos connaissances et techniques musicales pour y parvenir. Depuis le début, nous avons abandonné toutes les idées préconçues d’un mercantilisme flagrant. À la place, nous espérons vous donner quelque chose de beaucoup plus substantiel et abouti. Tout ce que vous avez à faire est de vous allonger et d’acquérir le goût.

On a beau être prévenu, les premières écoutes d’Acquiring the Taste s’avèrent décevantes. On a beau s’allonger et se dire qu’on va vite l’acquérir, ce putain de goût, rien n’y fait, il faut très vite se rendre à l’évidence : ce second album de GENTLE GIANT est bel et bien le plus inabordable de la discographie du groupe anglais. Ça part dans tous les sens, des papillons multicolores virevoltent gaiement, butinent des fleurs empoisonnées au fin fond d’une forêt maudite, des flûtes nous sifflent au oreilles, un violon tente vainement de nous faire danser en s’alliant à son ennemi héréditaire, le synthétiseur, et tout cela au cours d’un immense carnaval grotesque, décadent et gris. Mais, passé le cap de la fatidique 5ème écoute, on se frotte les yeux, on se gratte la tête, et on comprend tout d’un coup l'entière magie de cette œuvre. Cela nous arrive en pleine face, d’un seul coup, les papillons se posent, les morceaux recollent, bon sang, Acquiring the Taste est génial !

L'album se distingue nettement dans la discographie du Doux Géant en cela qu’il est bien plus expérimental que les autres, et sans doute un des plus barrés. Les musiciens ne semblent vouloir renoncer devant aucune difficulté, et créer des morceaux de folie, jamais entendus, ni avant, ni après. Comme à son habitude, GENTLE GIANT brasse ses multiples influences et ressort avec une musique cent fois hybride, aux confins du rock psychédélique, de la musique classique, du hard-rock, du Moyen Âge. Pour la première fois également, nos Anglais s’essayent à la musique électronique, uniquement sur le morceau éponyme, sans pour autant atteindre un résultat satisfaisant. Si sa valeur historique est incontestable, son contenu est franchement passable, reste trop artificiel à mon goût. Non, le domaine où GENTLE GIANT excelle n’est pas celui-là, et le reste de l’album est d’ailleurs là pour le prouver. Si, à première vue, l’album semble assez proche de son prédécesseur, son humeur est néanmoins différente : farce italienne aux chants spectraux, joyeux à l’excès ou encore méchamment nostalgique. Côté instrumental, les performances sont nombreuses, ça sent le vieux bois à plein nez, les délires enfantins et surtout un incroyable sens de la mélodie, qui fait de chaque chanson une comptine ironique que l’on se surprendra à siffloter dans la rue. Malheureusement, le groupe n’a pas encore réussi à contenir sa folie créatrice et certains morceaux empruntent quelquefois des chemins moins engageants et moins classieux qu’ils n’y paraissaient au départ ("Edge Of Twilight" en particulier, "Acquiring The Taste" dont nous avons parlé plus haut).

Reléguées aux oubliettes, la funèbre "Edge of Twilight" et la nonchalante "The Moon is Down" s’effacent devant les morceaux les plus animés, les plus dingues. "The House, The Street, The Room", courte pièce de théâtre noire et déjantée, atteint sans peine le rang de classique de GENTLE GIANT, en compagnie de l’excellente "Wreck", plus évidente, agrémentée d’un chant des plus jouissifs. Pour "Plain Truth", GENTLE GIANT a une idée géniale - comme souvent - celle d’utiliser un wah wah non pas sur une guitare, mais sur le violon de Ray Shulman ! Le résultat, bluffant, permet à "Plain Truth" de conclure l’album de la plus belle façon qui soit.

Acquiring the Taste, vous l’avez compris, n’est pas franchement le meilleur moyen de se familiariser avec l’univers si particulier de GENTLE GIANT, et je vous conseille de passer d’abord par les Three Friends et Octopus avant de vous essayer à celui-ci. Certains ne pourront jamais l’écouter, en seront dégoûtés à vie, et ne comprendront jamais mon engouement. Les autres persévéreront, découvriront une musique unique, poétique et vraiment à l’écart de ce que même les musiques progressives peuvent nous offrir. Pas le plus abouti de la discographie certes, mais certainement l'un des plus expressifs. La pochette le symbolise parfaitement : on apprécie ou non, mais on ne s'empêcher d'y goûter, jusqu'à en devenir gourmand, et, dans mon cas, à en faire une indigestion.

3,5/5.
À écouter absolument : "The House, The Street, The Room" et "Wreck".

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- Gary Green (guitares/chant)
- Kerry Minnear (claviers/vibraphone/chant)
- Dereck Shulman (chant/percussions/alto)
- Phil Shulman (saxophones/clarinette/trompette/percussions/chant)
- Ray Shulman (basse/violon/guitares/percussions/chant)
- Martin Smith (batterie/percussions)


1. Pantagruel's Nativity
2. Edge Of Twilight
3. The House, The Street, The Room
4. Acquiring The Taste
5. Wreck
6. The Moon Is Down
7. Black Cat
8. Plain Truth



             



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