Le talent est une bonne chose, mais le talent productif en est une meilleure. C'est du moins ce qu'on peut penser de THE TANGENT, qui trouve le moyen de sortir deux albums de haute facture la même année. C'est ainsi qu'après Le Sacre du Travail, un solide opus de rock progressif aux thématiques modernes, arrive l'addendum correspondant, répondant au nom de "L'étagère du Travail". Destiné à sortir en même temps que Le Sacre du Travail, il finira par ne devenir disponible que quelques mois plus tard, en octobre 2013. Ce n'est finalement pas plus mal, car digérer deux fois 70 minutes de rock progressif n'est pas donné à tout le monde.
L'étagère du Travail est, d'un certain point de vue, une compilation. Cinq morceaux, visiblement présentés comme des démos, côtoient cinq titres des précédents albums. Enfin, des démos... Au vu de la qualité sonore, on est en droit d'avoir un gros doute. Quoi qu'il en soit, l'album porte bien son nom.

En ce qui concerne le contenu, ceux qui avaient déjà accroché au Sacre du Travail devraient aimer sans aucun souci L'étagère du Travail. Pour une autre partie du public, nul doute qu'elle se trouve ici en présence de travaux susceptibles de la séduire facilement. Mais la première chose qui frappe, ce sont les thématiques éminemment politiques, du moins sur les deux premières pistes. Rien qu'au titre, "Monsanto" sent déjà le morceau engagé. Et effectivement, la célèbre firme agro-alimentaire en prend pour son grade. Ceci étant, les paroles ne sont pas un procès implacable et incontestable, elles tirent plutôt vers le naïf. Encore plus d'actualité, "Lost in Ledston" relate la manière dont les médias ont couvert la mort de Margaret Thatcher. Au moins Andy Tillinson a-t-il prouvé définitivement que oui, le rock progressif sait traiter des thèmes d'actualité. Après, ce n'est pas encore tout à fait au point, il faut le reconnaître, et le meilleur de ces deux chansons repose avant tout sur la musique, qui reste vraiment bonne. En particulier, les parties d'orgue accrochent à l'oreille de manière directe et précise, sans trop de fioritures.
Cependant, force est de constater que les autres morceaux ne sont pas forcément réussis. Les longueurs sont assez mal gérées, et l'omniprésence des claviers notamment sur "Build a New House With the Lego", est totale.

Quant aux réinterprétations, deux sont tirées du Sacre du Travail. La première, "Steve Wright in the Afternoon", n'est autre que la partie centrale du 3e mouvement figurant sur ce dernier. Le chant paraît encore mieux maitrisé que sur la première version, dommage de l'avoir écarté. "A Voyage Through the Rush Hour" ne reprend que les lignes de piano, et finit hélas par fatiguer. Encore heureux qu'il ne dure que 2 minutes. Ensuite, tirés d'albums plus récents, le disco "Dansant dans Paris", ou encore le poignant "The Ethernet", à l'ambiance musicale très crimsonienne, ne manqueront pas d'interpeller, ou du moins de faire passer un bon moment aux amoureux de la musique.

En tant qu'addendum, L'étagère du Travail accomplit son rôle avec brio. Les inédits brillent de mille feux, ou presque, et les réinterprétations donnent vraiment envie de creuser un peu plus la discographie du groupe. Il est alors tout naturel de souhaiter que le groupe de Tillinson sorte dès l'année 2014 un nouvel opus, au moins aussi bon.