La nostalgie ? Moi, elle me gagne quand je regarde cette superbe photo d'Annie dans sa soixantième année... Pas de faux semblants, visiblement pas de chirurgie, toujours ce sublime regard franc et massif, la classe absolue. Le visage serein laisse à penser que les soucis sont derrière nous, ou en tous cas assumés avec beaucoup d'humanité... Mais l'ambiance sombre de la photo laisse planer un certain doute, cette lumière entourée par la nuit... La native d'Aberdeen a déjà tout fait, plongée qu'elle est jusqu'au cou dans les divers projets humanitaires qu'elle défend. Personne ne songerait à remettre en question son talent, loin de là... Et alors que son ex acolyte Dave STEWART accumule les excellents albums solos, Annie demeure telle qu'en elle même, simple et tranquille. Diva de notre temps, il ne lui reste plus effectivement qu'à se mesurer aux plus grandes voix de l'histoire, celles d'Ella, de Nina, Sarah ou Billie, voila toute l'ambition, ainsi que l'hommage qu'est cet album...

Car Annie LENNOX ne fait rien comme tout le monde. Elle a déjà accumulé les reprises en les faisant siennes, on se souvient notamment de "A whiter shade of pale". Il ne lui reste maintenant qu'à choisir les plus grandes chansons de l'histoire et les réécrire.

Alors, commençons par "Summertime", chef d'oeuvre des chef d'oeuvres de Georges et Ira GERSHWIN. Le piano frustre accompagne la gracile voix si identifiable d'Annie, dans une petite orchestration originale qui honore son interprète. Je ne sais pas ce que l'histoire réservera à cette incroyable version, aura-t-elle sa place à coté de celle d'Ella FITZGERALD ? J'aime à penser que oui, l'image d'Annie LENNOX en figure de proue de la musique populaire de notre temps n'aurait rien d'incroyable.

Bien entendu, Annie n'est pas resté insensible au terrible sujet du classique de Billie HOLLIDAY "Strange fruit", mais tel n'est pas le message de la présente mission. On aurait pu penser que l’Écossaise aurait du mal avec le répertoire de Billie... Pensez-vous ! C'est dantesque... La résurrection des romans de FAULKNER... Quelle claque ! La promenade de "I cover the waterfront" tient sa place, la douceur veloutée en émanant, cette identité smooth permet aussi à l'auditeur de ne pas tomber en larmes entre "Summertime" et "Strange fruit". Je préfère cette version à celle de la grande Sarah VAUGHAN, le sommet de l'album.

Pas que les voix féminines, non... Alors cette version de "Georgia" concurrence largement la super classique enfouie dans la mémoire de chacun d'entre nous. Pas de vocalises ridicules à l'américaine, Annie tient la dragée haute au standard et le fait sien... Ca paraît si facile... L'orchestration est juste, créant une nouvelle identité, l'équilibre est ténu, mais tient... Jusqu'à cette fin gospel étonnante. La chair de poule, les gars ! "I put a spell on you" fait oublier jusqu'à la version de SCREAMIN JAY HAWKINS, inutile d'en faire des tonnes, contentez-vous d'écouter cette incroyable version.

Ce n'est pas ensuite faire injure à Bing CROSBY ou Brenda LEE ni même aux BEATLES que de dire que l'ancestrale "September in the rain" trouve sans doute en Annie sa meilleure interprète. La performance sur la complexe "I can dream, can't I" mérite l'attention des spécialistes de chant. c'est chaud brûlant ! Quelle facilité ! On retrouve même Patti PAGE dans cet opus sur le "You belong to me" dans une version remarquable. Le super blues New Orleans de "Mood indigo",composé par le Duke ELLINGTON lui va comme un gant et nous finissons donc cet album avec la sensation de ne pas avoir rencontré la moindre faute de goût.

Tout ceci sur le label Blue note, soit l'adoubement de l'histoire elle même... C'est une tuerie que je n'aurais pas la moindre difficulté à nommer album de l'année s'il ne s'agissait d'un opus composé de reprises. Mais quand on n'a plus grand chose à prouver, la reprise se révèle un exercice finalement périlleux, et se frotter ainsi au plus lourd des répertoires est une preuve en soi d'un talent arrivé à maturité. C'est donc fait, pour moi, Annie restera à jamais la diva de notre temps, des coudées devant la ridicule concurrence des roucoulades des meneuses du top 50 américaines et sud-américaines.

SCOTS WHA HAE !!!