Voici la conclusion d'une des aventures musicales les plus étranges du courant post-punk/new wave. En 1983, BAUHAUS s'est dilué dans l'histoire, non sans avoir livré un dernier single emblématique, «She's in parties». On pourrait faire une analyse très semblable à celle de The Sky's gone out, les deux albums proposent un art rock de même nature, avec les mêmes influences et le même manque d'honnêteté. A ceci près que Burning from the inside manque de tonus et de lisibilité. Le groupe finasse et cela donne un résultat inférieur à celui des trois albums précédents.

On peut rappeler les faits... Bauhaus a développé pour The Sky's gone out une musique manifestement calquée sur le rock progressif, ce qui, pour un groupe de post-punk gothique, est assez curieux. On peut faire des connexions avec GENESIS, YES, KING CRIMSON, etc., sans oublier bien sûr VAN DER GRAAF GENERATOR et leur leader Peter HAMMILL. C'est bel et bien sur Burning from the inside que l'influence de ces derniers est la plus palpable, en particulier par rapport à World Record de VdGG. Sans entrer dans des détails techniques, le jam funk sombre de neuf minutes de la chanson-titre est à relier à «Meurglys III», et est suivi du final anormalement positif «Hope», à comparer avec «Wondering» (tout en sonnant comme une ballade de Yes). Le single «She's in parties» lui-même, pourtant orienté new wave lente, ressemble assez bien aux passages chantés du même «Meurglys III» ou à «When she comes» (cette dernière étant de toute façon proto-gothique).

Fort heureusement, il y a quand même un peu autre chose sur Burning from the inside, et ce sont les chansons les plus nerveuses et personnelles, comme «Antonin Artaud», «Honeymoon Croon» ou «Kingdom's coming» qui sont les plus agréables. «Slice of life», perpétuant le goût du groupe pour la guitare acoustique, est également un bon moment. On peut être plus réservé au sujet de l'hermétique «Who killed Mr. Moonlight?». Celle-ci aurait pu figurer telle quelle sur un album de Peter HAMMILL (de type BeCalm pour ceux qui connaissent)... tout y est : piano, saxo, chant erratique mais investi, même le timbre est proche. On est loin de l'intensité de «Swing the Heartache» malheureusement, ce genre de chanson ne peut toucher qu'un public art rock restreint. Quant à «King Volcano», là encore, on se trouve dans un folk-prog pas si éloigné de la chanson de marin... bizarre, bizarre.

Le plus triste dans tout ça, c'est la quasi-disparition du gros son et de la technicité du groupe (et surtout du guitariste Daniel Ash) qu'on trouvait encore sur The Sky's gone out. En voulant devenir trop artistes, ils ont été un peu dépassés par leur sujet, cela me paraît évident. Leur fin a été précipitée par une maladie de Peter Murphy, mais il n'est de toute façon pas étonnant qu'ils en soient restés là. Murphy est parti de son côté accomplir une carrière solo à situer entre deux autres Peter (GABRIEL et HAMMILL), tandis que les trois autres sont restés ensemble mais dans un groupe fort différent, Love and rockets, plutôt basé sur de longues plages psychédéliques.

Une fin logique donc, pour une fois. Quatre albums et un paquet de singles, c'est peu mais c'est assez pour un projet aussi étrange et ayant autant dérivé en trois ans. Burning from the inside est loin d'être un chef-d’œuvre et cela évite curieusement que cette fin soit trop triste. Il reste un bon paquet d'idées, trois ou quatre plages épatantes, les autres étant à tout le moins intéressantes. De toute façon, si on est allé jusque là dans la découverte de BAUHAUS, on ne dédaignera sans doute pas ce dernier chapitre (enfin dernier sans compter leur retour à côté de la plaque de 2008).