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- Style : Enuff Z'nuff
- Membre : The Beatles , Bert Jansch , Harry Nilsson

John LENNON - Plastic Ono Band (1970)
Par LONG JOHN SILVER le 16 Mars 2015          Consultée 4276 fois

De prime abord ce qu’on découvre de cet album, c’est sa pochette empreinte de bucolisme représentant le couple Lennon/Ono allongé au pied d’un arbre vénérable dans la quiétude d’un parc. Les poses alanguies de la photo prise à l’instamatic, le grain impressionniste, la lumière que filtrent les feuilles des arbres dévoilent ce qui ressemble à un instant volé dans le tumulte du monde. Le contraste avec le contenu est saisissant.

Le glas sépulcral qui ouvre le disque n’est (on s’en doute) en rien porteur de félicité, et à ce titre il s’agit là du son de cloche le plus sinistre que j’ai jamais entendu sur album, faisant presque passer celle qui invoquera l’enfer du retour au noir d’AC/DC pour un doux carillon Pascal.
Plastic Ono Band EST bel et bien l’œuvre au noir la plus aboutie de la pop qu’il m’ait été donnée d’approfondir soit une introspection dans un monde empli par la douleur et l’absence. Lennon ne se contente pas de s'afficher simplement « à poil en façade » comme lorsqu’il bidouillait une électronique balbutiante en compagnie de sa dulcinée, il vide ses tripes dans la sono.
« Mother » est un cri déchirant à l’attention de ses parents qui l’ont sommé enfant de choisir entre l’un ou l’autre pour mieux l’abandonner tous les deux. « Hier maman est morte » et à présent papa refait sa vie avec une compagne toute jeune dont il attend un enfant, quand Yoko enceinte enchaîne les fausses couches.

L’orchestration minimaliste piano/basse/batterie soutient le propos entre la rigidité assumée des accords plaqués et la souplesse plastique du duo rythmique Starr/Voormann. Impossible à ce stade de ne pas louanger comme il le mérite le travail effectué par ces deux derniers dont l’osmose et la régularité confèrent à ce disque une musicalité organique d’une solidité remarquable ainsi qu’une chaleureuse humanité qui permet à l’émotion de s’exprimer librement sans jamais verser dans le pathos.
Pourtant Plastic Ono Band est bien le journal intime d’un artiste adulé en pleine dépression. Lennon a décidé de se sevrer de la came, il est en manque, les BEATLES ne sont définitivement plus aussi suit-il les séances du Dr Janov après avoir délaissé Dr Robert puis le Maharishi et après avoir écarté magic Alex. Le cri primal doit lui permettre de se déconstruire pour mieux recoller les morceaux car après avoir traversé une jeunesse remplie de tumultes affectifs et de succès fracassants, l’homme est en miettes. D’ailleurs il ne s’en cache pas, il se livre en toute franchise. L’auditeur devient le récepteur qui évacue ses propres névroses dans une forme de catharsis laquelle devient l’aboutissement de la création.
John se déchire le larynx en fin de titre, ôtant à l’occasion toute forme d’inhibition, puis envoie un message qui se veut rassurant à Yoko via le reste du monde (« Hold On ») : l’apaisement musical apparent, le trémolo sur les couches de guitare laissent envisager une sérénité plus durable néanmoins ce serait faire fi du texte et du « cookie » qui apparaît subitement en milieu de chanson, s’il est question de tenir bon c’est en effet parce que les épreuves à venir vont être cruelles, et que la relation fusionnelle que le chanteur entretient avec sa compagne se trouve être dans l’œil du cyclone. D’ailleurs le blues rugueux « I Found Out » avec ses « brother, brother, brother » corrobore ce sentiment. Ici Lennon met à l’index certaines fausses religions (thème qu’il approfondira avec « God ») dont la Beatlemania, le lâcher-prise accompagne l’angoisse de la renaissance.

« Working Class Hero », chanson folk dont on a collé plusieurs prises (montage facilement audible) est probablement le sommet du disque. L’influence de Dylan early 60’s en mode « Protest singer » y est prégnante d’autant que le texte qui se pose sur sa magnifique mélodie se fait encore une fois bien plus complexe que le simple et rude constat sur la lutte des classes qu’il expose, l’introspection allant même jusqu’à auto épingler son auteur au travers d’un dernier vers répété qui fait clairement vaciller le statut d’icône de la star. Star adulée qui vit dans un isolement insondable, coupé de ses congénères, « Isolation » à la mélancolie langoureuse se mue en blues des illusions perdues, de la terreur du vide et de l’enfermement dans un rôle. La pop/rock sautillante illustrant « Remember », qui ouvre la deuxième phase de la thérapie, est de nouveau faussement enjouée, la pulsion rythmique dynamisant la marche imprimée par un piano au souffle court, la voix finissant par se fracasser sur le « fifth of november », référence anarchiste révolutionnaire bien connue des amateurs de BD ; le combat de Lennon se situant aussi sur un plan politique émancipateur envers des autorités désignées pour nous entraver. « Love » se fait haïku sensible mettant à nu la fragilité cristalline de son auteur, sa mélodie est accompagnée par le piano élégant de Phil Spector, lequel signe ici une intervention délicate à mille lieues du « Wall of sound » auquel il nous a habitué jusqu’à présent ; sa casquette de producteur associé ressemblant plus à celle d’un emploi fictif sur l’entièreté d’un disque qui brille par son dépouillement. « Well Well Well » est un blues heavy mêlant la sexualité (orale) au combat pour l’émancipation féminine, la rythmique y est lourde comme le plomb, la guitare cradingue, le chant déchiquète l’ambiance sourde d’une manière qui ne laissera pas indifférents les amateurs de grunge « Nirvanesque ». De nouveau l’apaisement qui s’ensuit avec « Look At Me » joué en finger-picking n’est qu’apparence, car son texte est terrifiant, l’angoisse de l’abandon remontant à la conscience sous la forme de l’amour passionnel et exclusif exprimé par John envers Yoko. Cette chanson est une réplique à la « Julia » du « White Album », si ce n’est que cette dernière était dédiée à sa mère tout en faisant référence à une « Ocean Child » qui n’était autre que son amoureuse japonaise ; là, seule reste la compagne pour se réfugier pendant la tempête. « God » qui régit TOUT n’étant en réalité qu’un concept aliénant créé pour mieux nous asservir dans nos certitudes/servitudes au service d’un rouleau compresseur inhumain qui pousse les hommes vers une folie (parfois) destructrice. C’est Billy Preston, compagnon rencontré autrefois à Hambourg (comme Starr et Voormann) où tout a vraiment commencé qui incarne avec maestria l’entité divine en charge d’illustrer la progression pianistique du thème de la longue litanie de tout ce qu’il convient de lâcher avant que silence se fasse pour mieux rebondir sur une identité retrouvée au travers du choix de l’âme sœur exhibée en porte étendard des libertés.
Néanmoins la ritournelle finale « My Mummy’s Dead » renoue avec l’enfant effrayé et l’ambiance lugubre par laquelle l’album a débuté.

Lennon éparpille les cendres encore fumantes des BEATLES dans la nuée des faux-semblants tout en regardant son rétroviseur pour mieux avancer, dévisage pour envisager, dévisse, retourne à la poussière terrienne, clôture la boucle pour libérer ses névroses, son cri est âpre, sans concessions, son combat n’est plus simplement individuel, il devient universel. Impression aussitôt confirmée par le single qu’il publiera peu après (et qu’on trouve sur certaines rééditions CD), soit « Power To The people » où l’artiste citoyen descend du côté des manifestants des rues, ce qui lui vaudra bien des soucis avec les services spéciaux étasuniens une fois le chanteur installé en Amérique.
S’il ne fallait choisir qu’un album de Lennon en solo parmi tous les autres, ce serait bien sûrement ce Plastic Ono Band, œuvre fondatrice autant qu’initiale d’un artiste au sommet de sa popularité, lequel choisira d’enrober de sucre sa future livraison pour mieux synthétiser son propos aux oreilles du (très) grand public qui lui réservera un triomphe mérité en 1971 lors de la parution de l’hymne trans-générationnel athée et collectiviste qu'est « Imagine ».

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   LONG JOHN SILVER

 
  N/A



- John Lennon (guitare, piano, orgue, chant)
- Ringo Starr (batterie)
- Klaus Voormann (basse)
- Phil Spector (piano sur love)
- Billy Preston (piano sur god)
- Yoko Ono (vent)
- Mal Evans (thé et sympathie)


1. Mother
2. Hold On
3. I Found Out
4. Working Class Hero
5. Isolation
6. Remember
7. Love
8. Well Well Well
9. Look At Me
10. God
11. My Mummy's Dead



             



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