BLUR fait partie de cette petite caste (les "Grands Groupes") dont tout nouvel opus fera forcément la Une des magazines rock. Douze ans après l'excellent Think Tank, surprise, les quatre copains de Colchester annoncent l'arrivée de The Magic Whip.

Mais d'où vient ce disque? D'une volonté d'apporter une nouvelle brique à l'évolution de leur oeuvre? De proposer de surprenants morceaux qui en jettent? De graver sur CD le témoignage de séances de studio mémorables? Que nenni. Les membres de BLUR vaquaient à leurs occupations respectives et la vie allait très bien comme ça. Une vie ponctuée de quelques concerts de retrouvailles à Hyde Park (mémorable!!) ou à Hong-Kong, ville où l'annulation d'un concert les a amenés à passer du temps ensemble, ce qui a donné envie à Damon ALBARN de leur faire écouter les titres sur lesquels il travaillait... COXON a ressorti tout ça 18 mois plus tard pour le faire écouter au producteur Stephen Street, et nous voilà avec 12 nouveaux titres dans les bacs (expression devenue si désuète en si peu de temps).

Le disque aurait donc pu ne pas exister, toutes les idées viennent essentiellement d'ALBARN... Un album opportuniste, qui donne l'impression d'un "mouais, why not, sortons un album, ça nous amusera et ça fera bosser du monde". Et pourquoi pas? A une époque où toute une catégorie de personnel disparait à petit feu, la sortie d'un BLUR est une garantie de ventes, chez les vieux qui continuent d'acheter les CDs comme chez les jeunes qui affluent dans les festivals où la bande sera forcément tête d'affiche si elle se pointe. Une petite PME musicale qui nourrit pas mal de familles, c'est toujours ça de pris, après tout.

Et l'album alors? C'est du BLUR, rien à dire. Beaucoup de morceaux sont inutiles, dans le sens où ils auraient pu figurer sur Modern Life is Rubbish ou The Great Escape, par exemple. Il y a vingt ans. Rythmiques pop, chant, riffs punks, la la laaa et wou ouwouuu... on les reconnaît tout de suite. "Ong Ong", "Ice Cream Man", et les 2 singles "Lonesome Street" et "Go Out" ne sont pas désagréables. Mais n'apportent rien du tout à ce qu'ils ont déjà fait. Ca a dû leur prendre 10 minutes pour les enregistrer tant ça emprunte des sentiers battus et rabattus. Rien à la cheville d'un morceau de Parklife niveau pop merveilleuse, rien à la cheville d'une piste de 13 ou Think Tank niveau innovation, ambiance et pépites sonores... Quel besoin d'enregistrer une chanson comme "My Terracotta Heart"? Une douce mélodie pas moche, hélas oubliée après deux écoutes. Idem pour "I Broadcast", parfaitement acceptable, mais si elle est comparée à "Trouble In the Message Center", elle se fait exploser en une seconde. Bref, elle est indigne de ce qu'on peut attendre d'un groupe aussi génial que BLUR.

Je retiens tout de même la superbe "There Are Too Many of Us", son riff de violons graves, son ampleur, ses paroles, son écho... rien que pour celle-là, cela valait l'écoute. L'ambiance "Thought I Was a Spaceman" sort également du lot - enfin une production un peu originale. Claviers épars et inquiétants sur un petit beat électro, ALBARN qui se confie, cette chanson vous enveloppe lentement, crée une douce fascination avant l'arrivée de la batterie pour un final parfaitement amené où COXON reprend le lead à la voix... magnifique.

Deux morceaux sur douze, une pochette terriblement moche, c'est bien faible pour un groupe de ce calibre.