Au moment où For your Pleasure est publié, Bryan Ferry et ses acolytes jouissent d'un certain bonheur. Le premier album de ROXY MUSIC s'est vendu comme des petits pains et a obtenu un succès critique non négligeable. C'est donc en toute tranquillité que paraît ce deuxième opus. Les Anglais vont jusqu'au bout de leur esprit décadent, n'hésitant pas à afficher notre glorieuse Amanda Lear nationale en couverture.

For Your Pleasure reste dans la veine de l'album auquel le groupe a donné son nom, proposant, en accord avec le credo pop-art plus ou moins distingué de Ferry, un glam-rock endimanché (reconnaissable jusqu'aux costards-cravate qu'arborent les membres du groupe en concert). Soit une musique dans la digne lignée de BOWIE et Lou REED, avec un goût prononcé pour la sophistication. C'était le bon temps où le chanteur et Brian Eno étaient en accord, et l'on sent bien, malgré la forte empreinte des autres membres du groupe (entre autres Andy MacKay et l'excellent Phil Manzanera) qu'ils gardent la main mise sur la confection de la musique. Petite particularité, à l'époque ROXY MUSIC ne possède pas de bassiste parmi ses membres et a confié pour ce disque la 4 cordes à John Porter, crédité en guest. Rassurez-vous, la basse est quand même bien marquée, autant que la batterie. C'est aussi sans doute l'un des rares groupes glam à mettre le saxophone autant en avant.

"Do the Strand" démarre le disque par un bourdonnement de guitare, un ronflement de saxophone et une rythmique au piano électrique. Ce titre donne un bon aperçu de ce que sera le disque : toujours ce rock élancé avec le sax bien spécifique qui assure le fond sonore au-dessus des autres instruments, parfois même quand Ferry chante. Constat similaire pour des titres comme "Editions of you", porté par une rythmique d'acier. "The Bogus Man" marque l'apogée en matière de folie rock créative. Il est d'autant plus dommage à l'écoute de la chanson de savoir que John Porter a été relégué au rang de 'guest' tant il est important ici. La répétition du thème participe activement à donner du plaisir à son écoute, bien que Paul Thompson ajoute çà et là des petites subtilités et qu'on décèle une pointe de mellotron, ce qui est loin d'être un défaut. Une bonne dose de psychédélisme et vous obtenez un art-rock presque entraînant, prolongé sur plus de neuf minutes.

ROXY MUSIC n'hésite pas à ralentir parfois le tempo pour proposer des titres qui paraîtraient presque nébuleux si l'on n'était pas convaincu de l'ironie évidente ou si l'on ne percevait pas quelque chose de malsain, comme c'est le cas sur "In Every Dream Home a Heartache". Brian Eno s'en donne à coeur joie et le titre présente une coda, version du passage rock de la chanson encore plus torturé, idéal pour clôturer la première face de l'ancien vinyle. Autre moments d'une beauté reine, "Beauty Queen" (ah ha ha ha) ainsi que "Strictly Confidential", ouvert par le saxophone en solo, mais où l'instrument à vent dominant reste bien le hautbois. On en viendrait presque à regretter qu'il ne soit pas plus présent sur le disque. En bon glameurs, les membres de ROXY MUSIC nous proposent un semblant de ballade (ironique bien sûr) sous la forme de "Grey Lagoons" qui part vite en fiesta rock, saxo et guitare à l'avenant, et "For Your Pleasure" qui termine le tout avec un développement épico-psychédélique (quels claviers de fou !).

Chez ROXY MUSIC, il n'y a sans-doute pas de porte d'entrée idéale, cet album est juste très bon et reste à posséder si l'on aime un tant soit peu le style. Ils l'ont dit, c'est pour votre plaisir !