Une fois n'est pas coutume, deux ans ont été nécessaires à la réalisation d'un album de ROXY MUSIC. Avalon, bien que possédant un nom et une pochette typiques de la culture médiévale, a pourtant été enregistré à Nassau aux Bahamas. On pourrait croire que cette pochette rompt pour ce 'final studio album' totalement avec l'esprit féminin des précédentes, pourtant il faut savoir que sous cette armure du Roi Arthur, c'est bien une femme qui se cache : Lucy Helmore, alors petite amie de Bryan Ferry (oui, il a eu le temps de changer depuis Siren).

Le plus gros succès du groupe que voici est un prolongement des deux albums précédents, en particulier de Flesh + Blood dont il reprend naturellement les tics sonores. Il se fait aussi différent de ce dernier, plus doux, diversifié et possédant des tubes potentiels d'une plus grande personnalité. Ainsi, "Take a Chance With Me", "Avalon" et, surtout, "More Than This" ont déclenché la passion des auditeurs, au Royaume-Uni notamment, ce qui est tout à fait normal, vu la qualité des compositions.

Chargé en réverb' et en synthés, chaque chanson est ainsi l'aboutissement de ce qu'avait proposé l'album précédent. Aucun titre long ne dépasse les cinq minutes, mais c'est franchement suffisant pour de tels morceaux. Celui qui donne son titre à l'album, par exemple, est un reggae tournant en boucle sur plus de quatre minutes, mais qui détient de belles idées d'arrangements, grâce au saxophone gentillet et aux choeurs féminins. Introduit par un instrumental usant avec parcimonie des technologies de l'époque ("India"), "While My Heart Is Still Beating" est une ballade très représentative de l'esprit aérien de l'album, avec un chant qu'on croirait perdu dans le ciel. "To Turn You On" est un morceau où l'aspect crooner du chant de Ferry est le plus mémorable, bien servi par une musique encore très aérienne, splendide.

"The Space Between" nous offre la qualité d'un bon funk où les saxos de Mackay occupent une position plutôt rythmique, comme souvent à l'époque. "The Main Thing" possède un tempo plus élancé que le reste du disque et, malgré les séquences assénées des refrains, ne rompt pas avec l'esprit contemplatif de l'album. On se délecte pleinement du potentiel du groupe à se plier à ce son si particulier. Dans le même ton, "Take a Chance With Me" fait aussi bien avec la batterie tribale de Andy Newmark, et employant le hautbois de Mackay. De même, le suave "Tara", qui porte l'empreinte de ce dernier, résonne comme un dernier hymne à la toute puissance de ce groupe hors-normes.

C'est un album d'orfèvre auquel nous avons droit, plus élégant et laissant une grande place à la rêverie, ce qui n'est pas le mince exploit d'un groupe au passé déjà chargé. Même si rien ne laissait présager qu'Avalon marquerait la fin de la créativité du groupe, et bien qu'il soit à des milliers de lieues de ce que le groupe proposait à ses débuts, on ne peut s'empêcher de le mettre en relation avec Stranded par exemple, pour son côté romantique, même si, bien sûr, le son n'est plus du tout le même. Les musiciens se cantonnent à une softitude qu'ils avaient déjà su employer, et qui trouve encore tout son éclat ici.
Un beau chef-d'oeuvre, d'une finesse rarement trouvable durant cette décennie, et qui achève dignement une carrière régulière ayant su tenir ses promesses du début à la fin.