1969... The Dream is Over et depuis déjà un bout de temps, Nixon vient d’être élu, la guerre du Vietnam s’amplifie et chaque jour les cercueils de soldats recouverts du drapeau à la bannière étoilée font la une des médias. San Fransisco et la West-Coast sont aussi revenus dans la norme, tous les groupes majeurs de la Bay ont signé avec une major et la drogue fait des ravages dans les rangs. La fraternité, l’ambiance magique de l’été 1967 s’est dissipée dans le froissement des billets verts et des trips au LSD.

Le QUICKSILVER MESSENGER SERVICE n’est pas épargné. Gary Duncan quitte le groupe pour faire de la musique (et surtout se défoncer) avec Dino Valenti qui alterne les séjours en prison et les combines louches. Et pour remplacer un guitariste, comme chez l’ALLMAN BROTHER BAND, on recrute un pianiste. Pas n’importe lequel certes ! Nicky Hopkins, un anglais de vingt-cinq ans qui a déjà joué avec les STONES, les KINKS, les WHO, Jeff BECK avant de se retrouver sur la côte ouest à faire des enregistrements pour MOVE et le JEFFERSON AIRPLANE. Son arrivée change radicalement le son du groupe, Cipollina se retrouve seul à la guitare solo. Terminées les envolées d’Happy Trails, terminé l’acid rock, terminé le psychédélisme.

Pour autant ce troisième album, certes surprenant, n’est pas désagréable (surtout si on connaît la suite !)
Nick Gravenites donne un sérieux coup de main pour les compositions, Nicky Hopkins est un immense pianiste et il va marquer le piano rock à jamais avec "Edward, the Mad Shirt Grinder" le dernier morceau où pendant presque dix minutes, il casse à lui seul la baraque. Eblouissant de virtuosité et de feeling, il devient le véritable leader du groupe. (A noter qu’en 1972 quelques Stones lui rendront hommage en participant à son album "Jamming with Edward" le bien nommé). Sinon l’ambiance est très cool, on pense parfois au folk-rock originel de l’AIRPLANE, même si Cipo est très effacé. Ainsi "Shady Grove" et "Flute Song" sont très mélodiques avec pour le dernier un violon subtil et la jolie voix de David Freiberg

Mais clairement "Shady Grove" sonne la fin des délires électriques, des joutes de guitares sur "Mona" ou "Who do You Love" et les fans du groupe, considèrent, à juste titre que l’arrivée du pianiste anglais a tué le QMS des origines. Avec le recul, le jugement se fait moins sévère, Déjà Hopkins s’est imposé leader par obligation, Cipollina refusant farouchement d’assumer le leader-ship d’un groupe (Sur cet album il ne signe qu’un seul titre "Three or Four Feet From Home" qui sonne aussi très AIRPLANE dans l’approche vocale).

La musique, est, certes, dominée par le piano, mais les titres s’écoutent avec plaisir si on ne cherche pas à tout prix la comparaison avec les deux premiers albums. Pour notre malheur, ce troisième CD à la pochette merveilleuse qui fait penser au Sud profond du 19ème siècle, sera la transition vers des zones de turbulence !