La coloniale ! Ceux qui parmi vous ont été scouts ou louveteaux, guides ou militaires, supporters ou juste amateurs de chants de beuverie ne peuvent que connaître. Les unités coloniales sont probablement celles dont la tradition chantée est la plus grivoise. L'éloignement de la patrie, des foyers et de la famille ne peuvent qu'engendrer un besoin de sortir de la grisaille quotidienne en se lâchant le soir après le service. De la même manière, les chants d'amour y sont particulièrement magnifiés. Les grands régiments d'infanterie de marine, au départ connus comme les marsouins, font partie des corps ayant notamment formé le noyau des premières forces françaises libres pendant la seconde guerre mondiale en 40, au Liban et en Egypte. A ce titre, ils sont aussi porteurs d'un esprit rebelle qui se ressent dans leurs chants.

Rebelles... Puisqu'on en parle, vous devriez immédiatement écouter "Opium". Glorification -?- d'une époque ou les soldats français oubliaient tout dans les bars d'Indochine, aux bras des autochtones locales, que certains voient comme les plus belles femmes du monde, et s'envoyaient avec désinvolture des quantités astronomiques d'Opium. Maîtrisés, les opiacés peuvent d'après les spécialistes se révéler une vraie source de plaisir, mais il est tellement étrange d'entendre ce magnifique chant à la gloire de la drogue, dans le chant d'un régiment de combat. Je vous le conseille vivement car il est de toute beauté.

Guerriers... Ces unités n'ont plus rien à prouver en termes de courage face au danger. Leurs qualités de bravoure sont particulièrement mises en exergue dans le superbe "Chant du 8e RPIMA", régiment qui s'est couvert de gloire sur les collines de Dien Bien Phu, lors du dernier grand acte de l'histoire de l'armée française. La mélodie empreinte d'une grande force dramatique y fait un effet assez boeuf. Le chant plus léger intitulé "Hymne des troupes de marine" est leur profession de foi, gai et enjoué, plein d'entrain, révélateur de l'ambiance régnant au sein des unités des troupes de marine.

Hommes... car même les soldats les plus farouches restent des amoureux, des hommes de cœur, n'en déplaisent à ceux qui ne les portent pas dans leur cœur. Alors "Marie-Dominique" se pose en porte étendard de cet état d'esprit, tantôt romantique mais tout aussi graveleux  : "qu'est que tu fous à Saïgon?". C'est drôle et plein de beaux sentiments. Elle reste sans doute même la plus belle des chansons d'amour des chants de l'armée française. Et encore l'Indochine... A tort et à travers...

Enfin des soldats qui vivent leur quotidien... C'est parfois drôle comme dans "Quand Jesus Christ créa la coloniale" ou dans "Vive le pinard", parfois touchant comme dans "Le fanion du régiment" ou dans "L'infanterie de marine", on retrouve aussi l'amour du pays avec cette version réussie de "Douce France". Et puis certains des régiments ont droit à leurs propres chants comme le 3e RIMA ou le 9e DIC, ou le célèbre 8e RPIMA déjà cité.

Bref, une autre portion des grandes épopées militaires. Souvent axée sur les éléments exotiques de l'Afrique ou de l'Asie, les fameuses Indochinoises que les soldats du levant ont tant aimé. Il y a peut-être un peu d'atavisme familial là-dedans.. Bah c'est possible, le vieil anar révolutionnaire peut rester un admirateur des grandes valeurs prônées par l'armée, même s'il condamne sans ambiguïtés la guerre.