Depuis le départ de Terry KATH pour la grande jam session céleste début 1978, CHICAGO tente de faire bonne figure. Enfin, bonne figure, c’est un grand mot. Disons qu’ils essaient de sourire pour les photos. Donnie DACUS, brave gaillard chevelu au CV honnête, a tenu cette guitare vacante le temps qu’il fallait pour que le groupe redémarre après la terrible perte de KATH. Il avait du métier, il a mis les mains dans le cambouis mais cela n’a clairement pas suffit. Malgré ses efforts, il ne pouvait pas incarner ce que Terry représentait et les gars de CHICAGO se séparent de Donnie sans autre explication que ce grand silence gêné qui précède les ruptures sans amour. Et les voilà qui sortent Chicago XIV pendant l’été 1980. Quatorzième album, troisième sans KATH, troisième migraine.

Ils ouvrent le disque sur "Manipulation" et essaient de nous embobiner dès les premières mesures avec un pseudo rock rétro. Le riff se veut nerveux voire mordant, mais c’est une morsure de hamster. On préfère penser à ce que Terry aurait posé là-dessus : un solo sale et fumant, mais en perdant un de ses membres fondateurs, CHICAGO perd une dimension entière de son langage musical. Il n’aurait jamais laissé passer le charmant mais vide "Upon Arrival", ni la chialante "Song For You" qu’il aurait pu transformer en épopée rugueuse, guitare au bout des doigts, disto en feu… mais sans lui, les gars de Chicago sont totalement perdus.

Accrochez-vous pour écouter le slow de fin de bal "Where Did The Lovin’ Go". Question tout à fait pertinente puisque l’amour s’est manifestement barré avec Terry. Le savoir-faire est toujours là mais les cuivres par exemple traînent la patte, semblent ne plus avoir envie et jouent sans coeur. CETERA tente un réveil de la foi et mise sur la méthode Coué dans le titre "Hold On" et on y croit un peu, CHICAGO veut s’élever mais la production est trop écrasante. Puis on atteint l’AOR le plus soporifique du monde dans "Overnight Cafe" et on s’ennuie comme des rats morts. On avait connu CHICAGO plus inspiré… et ça ne va pas en s’arrangeant lorsqu’ils voudraient être un peu plus électriques sur la vibe pourtant très corporate de "Thunder And Lightning".

Comme si ça ne suffisait pas, ils recyclent une vieille chanson, "I’d Rather Be Rich" dans une version sans Terry, où ce dernier nous manque terriblement. Le pire, c’est certainement le désastreux "Birthday Boy" alors passons, histoire d’oublier qu’autrefois Terry était là pour faire trembler les murs. Sans lui, l’électricité a été coupée et on se retrouve avec du rock en pantoufles. "The American Dream" conclut l’album, la guitare reste en retrait, je crois bien qu’elle s’est perdue et que plus personne ne la cherche.

CHICAGO est en pleine crise existentielle musicalement, tentant de faire le show alors que l’âme du spectacle manque à l’appel. Nos amis les cuivres moulinent dans le vide, avec une dominante pop-rock très franche, il reste bien quelques jolies harmonies - faut pas être méchant - mais ce n’est plus la grande époque. Et pour un groupe qui jadis tirait sa grandeur dans sa capacité à faire sortir le meilleur de chacun de ses membres, Chicago XIV devrait être un signal d’alarme. Un barbecue sans feu où même la braise vient à manquer… et si Terry avait été là, il aurait dit "c’est non, les gars".