Oh mais regardez-moi cette belle pochette ! Je ne crois pas avoir jamais vu quelque chose qui crie plus 80’s que ça. Vous pensiez qu’on avait touché le fond de CHICAGO ? Et bien détrompez-vous car Chicago 19, sorti en 1988, tente de changer de cap mais ne redresse pas la barre, au contraire. Exit David FOSTER, c’est désormais Ron Nevison qui prend les commandes après avoir travaillé avec The WHO et produit Crazy Nights pour KISS l’année d’avant. Accompagné d’une armée de compositeurs externes au groupe, Nevison se fait le roi de l’outsourcing et sert un album générique au possible.

Jason Scheff ouvre le disque en poussant sa voix sur la production compressée de "Heart In Pieces" où la batterie ultra-droite tape inlassablement alors que les riffs de guitare nous laissent dans l’indifférence la plus totale. Le chanteur continue d’occuper le micro avec application sur le single "We Can Last Forever", ah, une petite chialante, on n'attendait que ça pour oublier l’absence de Terry Kath et de Peter Cetera, non ? Il faut avoir l’estomac solide pour supporter toutes les couches de guimauve AOR qui suivent, comme le single "What Kind Of Man Would I Be?" que j’ai en horreur.

Encore plus discret que sur l’album précédent, Robert Lamm cède sa place presque entièrement et son nom disparaît des crédits de la totalité des chansons, à l’exception de "I Stand Up" qu’il interprète fièrement. Son clavier sautille gentiment et il paraît relativement engagé dans son chant, rehaussé par des choeurs assez sympas et des cuivres enfin identifiables, ce qui fait de ce titre mon passage préféré de l’opus. On l’entend encore dans la ballade "Victorious", mais il récite son script sans âme comme vidé de toute motivation.

Bill Champlin quant à lui profite de la place de choix qu’il s’est taillée au milieu de tout ça et essaie d’affirmer sa patte dans des chansons fabriquées pour que les radios mordent à l’hameçon telles que "Come In From The Night", "Runaround" qu’il chante avec Scheff ou le single "You’re Not Alone", une énième chialante dont on se serait bien passé.

CHICAGO commande deux singles à la faiseuse de tubes Diane Warren : "I Don’t Wanna Live Without Your Love" et "Look Away", tous deux chantés par Champlin. Le premier représente la quintessence du CHICAGO tardif, sans personnalité et sans arrangement significatif. La guitare tente de se frayer un chemin et les refrains n’explosent jamais, bref, ça coche bien les cases des 80’s, mais on n’éprouve rien. Sur "Look Away", la montée en intensité standardisé à l’extrême promet un sacré succès, d’accord, mais à quel prix ? Le dernier single de Chicago 19 est le présomptueux "We Can Last Forever" sur lequel Scheff chante mollement. On clôt ce chapitre auquel on ne reviendra jamais la mort dans l’âme.

Pour faire du CHICAGO, attention de ne pas reproduire ce qui a été fait avec Chicago 19. Commander une power ballade ici et là, y coller des touches de cuivres pré-mâchées et rendre les survivants du groupe originel tels des invités mal à l’aise dans leur propre maison. Ce n’est qu’une suite de morceaux interchangeables sous forme de déclin institutionnalisé. La diversité créative n’est plus, tout comme l’ambiance qui est partie en courant. Sans Kath, sans Cetera, Lamm et le reste du groupe paraissent réduits au silence et il ne reste qu’un groupe devenu logo, qui semble malheureusement bien décidé à continuer de le calligraphier sur des disques à l’infini.