Quand on pousse trop loin le bouchon des chiffres romains et qu’on trouve les chiffres arabes un peu trop mainstream, on invente une nouvelle façon de numéroter sa discographie, n’est-ce pas ? CHICAGO ne manque pas d’idées quand il s’agit de ne rien faire comme les autres, mais au moins Twenty 1, sorti en 1991, est bien leur vingt-et-unième album. Ne me demandez pas comment ils ont réussi ce tour de force, mais ils l’ont fait !

On ne sait pas trop pourquoi mais le batteur Danny Seraphine a été éjecté du groupe sans autre explication, toutefois les membres restants reprennent peu à peu leur place à la composition des morceaux - même si Diane Warren a repris du service pour leur écrire le single d’ouverture "Explain It To My Heart", une petite daube mollassonne pleine de claviers vaporeux chantée par Jason Scheff et Bill Champlin. Scheff exécute quelques ballades d’un ennui sans nom, que ce soit l’écoeurant single "You Come To My Senses" ou le slow carillonnant "Man To Woman" ; les mélodies persistent avec autant de tension que de la musique d’ascenseur.

On reconnaît encore cette identité en déroute sur des titres anémiques tels que "Somebody, Somewhere" où Champlin essaie de se la jouer rockeur au coeur tendre, coincé avec des guitares de studio trop polies pour être turbulentes ; mais également sur le single "Chasin’ The Wind", le pseudo tube du disque, si on ose appeler ça un tube, encore une fois pondu par Diane Warren. Une instrumentation soft-rock tout ce qu’il y a de plus classique et si ça a marché à l’époque c’est parce qu’elle ne dérangeait personne mais concrètement, elle est à "Hard To Say I’m Sorry" ce que le déca est à l’espresso, c’est dire !

On tente un petit groove mi-funky mi-AOR sur "God Save The Queen" et "If It Were You" mais le son est rigide et tellement contenu qu’on regrette que ce soit l’ultime sursaut d’un groupe jadis volcanique. La batterie tape sec et les cuivres claquent en osant même un petit riff dans "Who Do You Love", serions-nous tombés sur la tête ? À des années-lumière du niveau du CHICAGO d’antan, on ne va pas faire les fines bouche même si le refrain tombe vite dans les clichés.

Robert Lamm nous promet une envolée avec l’intro du seul titre qu’il écrit et chante sur cet opus, "One From The Heart" mais on se retrouve avec une chanson délavée et paresseuse, puis on poursuit dans cette veine avec les sirupeuses ballades "What Does It Take" et "Only Time Can Heal The Wounded", des chansons sur lesquelles les arrangements sentent le travail de studio plus que la sueur de la scène. CHICAGO est blessé, ça c’est sûr, et son seul remède apparemment est de faire durer la souffrance sur douze pistes.

On termine avec un dernier chant d’adieu fatigué, "Holdin’ On" qui voudrait nous remonter le moral avec ses harmonies vocales où Scheff et Champlin essaient de convoquer - en vain - un tantinet d’émotion. Une ballade de plus qui vient refermer un album profondément creux, qu’on oubliera aussi vite que possible. Conclusion, Twenty 1 n’est pas très glorieux : la guitare mordante ? Oubliée. Les cuivres ? Quasi absents. Le grain de voix rugueux ? Évaporé. Ne reste qu’un CHICAGO vidé de sa sève, qui n’a de CHICAGO que le packaging.