Les SMITHS ont toujours fait les choses très vite et très bien. Regardez plutôt ! En février 1984, sort leur premier album et tout juste un an après leur deuxième opus Meat Is Murder. Entre deux, se sont glissés l'excellente compilation Hatful Of Hollow et divers singles. S'il est entendu que pour la quasi totalité des fans et de la presse le chef-d’œuvre des Mancuniens est The Queen Is Dead, ce n'est aucunement mon cas. C'est bien l'album au Marine américain de la guerre du Vietnam qui en constitue sans contestation possible la quintessence.

Meat Is Murder est assurément un album paradoxal. Sous des atours subtils et parfois légers, il expose en fait la violence sous toutes ses formes. En ces temps de fameuses années THATCHER et de grandes tensions sociales en Angleterre, Morrissey a décidé d'enfoncer un peu plus le clou des slogans parfois faciles et de gratter là où ça fait vraiment mal. Le résultat est pour ainsi dire décapant, ce qui n'empêche pas pour autant Meat Is Murder d'être numéro un des ventes dans son pays.

Ce qui frappe instantanément à l'écoute de ces neuf titres ("How Soon Is Now" n'est présent initialement que sur les versions parues aux États-Unis), c'est le nouvel éventail musical abordé et le saut qualitatif effectué en un si court laps de temps. Meat Is Murder est un pertinent exposé de Pop indépendante à l'image du magnifique "The Headmaster Ritual". A travers ce travail d'orfèvre où Marr développe un jeu de guitare riche et complexe, Morrissey soutenue par une section rythmique efficace règle, narquois, ses comptes avec l'institution scolaire anglaise. Cette combinaison entre esprit pop et tension fonctionne sur presque chaque morceau. Elle atteint son paroxysme avec "Barbarism Begins At Home" où la basse funky d'Andy Rourke ferait presque oublier l'urgence du propos.

Meat Is Murder ose tout et c'est même à ça qu'on le reconnaît. Marr y développe en effet des ambiances plus amples, plus riches. Il explore les espaces rockabilly avec "Rusholme Ruffians" ou expose un rock simple et diablement efficace comme le démontrent "I Want The One I Can't Have" ou "Nowhere Fast". Morrissey souligne là encore avec une précision qui tient de la chirurgie les frustrations, la lassitude de la vie de couple (le poignant et délicat "Well I Wonder"). Dans ce concert de louanges, il faut néanmoins un 'mais' et c'est le titre éponyme qui en porte la responsabilité. Comment ne pas esquisser un sourire gêné ? Le propos est pourtant sérieux (la souffrance animale) et le titre lugubre plutôt réussi mais cette injonction sur fond de scie d'abattoir et de meuglements déchirants ne fonctionne pas. C'est le seul faux pas.

Le deuxième album des SMITHS est une réussite totale. Inspiré, fin et varié, il demeure presque 40 ans après sa sortie un classique de la musique indépendante. Absolument superbe !