Pour bon nombre d'auditeurs, ce premier album d'EUROPE a été un album de rattrapage, notamment aux Etats-Unis où sa distribution a débuté à la fin des années 80, une époque où la population mondiale s'était abreuvée jusqu'à plus soif des sonorités sucrées de l'intemporel "The Final Countdown". C'est cette version, à la pochette modifiée pour l'occasion (des statues et l'Église Saint-Charles-Borromée de Vienne remplaçant la photo de quatre musiciens présents sur le visuel d'origine), qui a ainsi traversé les océans. Quatre musiciens, puisqu'EUROPE est alors un groupe sans claviers, qui propose une musique oscillant entre hard rock et heavy metal.

Le groupe est ici très différent de ce qu'il deviendra rapidement. Enregistré sur un weekend, cet album est porté par les influences des jeunes musiciens, à travers lesquelles on distingue notamment un goût prononcé pour UFO et Michael Schenker, les lignes de guitare de "The King Will Return" étant fortement inspirées par le jeu de Michael Schenker. Ce qui n'enlève rien au talent de John Norum, dont la guitare juvénile donne vie à plusieurs morceaux de grande qualité.

Toutes signées de la main du chanteur Joey Tempest (à l'exception du titre instrumental "Boyazont"), dont la voix sonne plus grave et plus "naturelle" que sur les réalisations suivantes, les compositions proposées par le groupe sont portées par un son brut et rugueux qui n'enlève rien à leur force intrinsèque. Ainsi, "Seven Doors Hotel" se fait l'oeuvre d'un groupe à la maturité d'écriture déjà impressionnante, et reste un des grands morceaux du répertoire de la formation, qui aura à coeur de lui accorder une place de choix dans ses concerts. "Children of this Time", sorte de cavalcade heavy metal (malheureusement abandonné en live par le groupe dès 1984) est un autre grand moment, tout comme "Paradize Bay", qui préfigure des sonorités hard rock plus conventionnelles adoptées par le groupe dès son album suivant. "Words of Wisdom", qui débute avec une ligne de clavier et un couplet acoustique, est une fausse ballade audacieuse qui bénéficie à nouveau d'un refrain percutant.

La combinaison de la voix pure de Tempest et du jeu à la fois fin et impliqué de John Norum se fait ici gagnante, et à l'exception de quelques titres un peu moins marquants ("Memories") et quelques textes un peu légers, l'ensemble reste 40 ans plus tard fort savoureux. Un premier album remarquable sur nombre de points, et qui, à l'image du premier album de DEF LEPPARD, reste une agréable curiosité dans la discographie de ses géniteurs.