Deux années après le colossal succès, totalement justifié, de Can Be Late (2012), les Lillois de SKIP THE USE reviennent avec ce Little Armageddon qui ne manque pas de surprendre tous ceux qui avaient craqué pour leur fusion Punk/Funk hautement addictive et qui pensaient que le groupe allait pousser plus loin encore les digressions Electro Funk que le groupe affectionne en concert.

En effet, cet album marque une évolution vers un Rock plus mélodique et apaisé, même si quelques petites et légères touches électro parsèment l’ensemble et si des influences Reggae et Funk pointent encore parfois le bout de leur nez. Vous craignez le pire ? Vous avez tort. Car si surprise il y a, celle-ci est plutôt heureuse, à commencer par le son, limpide, propre et puissant. Si celui-ci participe à l’atténuation des racines Punk et Heavy du quintet, il lui permet d’aborder des styles plus variés avec une efficacité réelle. L’effort dans ce domaine est tel que l’on pourrait en venir à douter du caractère humain de la batterie, tant celle-ci sonne de manière implacablement parfaite. Il n’y a guère que sur certains passages de "Gone Away" que le son se montre encore un peu rugueux.
Cette recherche de diversité se reflète également au niveau des vocaux qui balayent une palette bien plus large et se montrent peut-être un peu moins agressifs que par le passé. Cela est flagrant sur l’excellent "Lust For You".

Il faut dire que chœurs et échos assez présents contribuent à lisser un peu le phrasé de l'épileptique Mat BASTARD. Mais loin d’émasculer le gaillard, cela lui donne un surplus de sensibilité.
Au niveau des styles musicaux abordés, le groupe n’a pas totalement viré sa cuti et des titres comme "Nameless World", le premier single, ou bien "STU", auraient tout à fait pu trouver leur place sur Can Be Late. Mais avec "Lust For You", "The Story Of Gods And Men" ou "The Taste", le groupe verse dans un Rock plus maîtrisé et tempéré. Avec ce dernier titre, et ses arrangements touffus, c’est même presque vers les BEATLES que nous sommes emportés. Une autre surprise est illustrée par la simili ballade "Etre Heureux", à ma connaissance le premier titre du groupe chanté en français. A cette occasion, SKIP THE USE nous dévoile une autre facette de son talent en livrant des paroles touchantes et sensibles qui se positionnent aux antipodes de l’image festive qu’il se plaisait jusqu’alors à incarner. On peut également citer le titre "Little Armageddon" qui lorgne plutôt du côté de DEPECHE MODE lorsque celui-ci sort les guitares.
Au rayon des (petites) déceptions, on pourrait mentionner la relative timidité du groupe dans certains domaines à commencer par les guitares et les claviers. Certes, "Second To None" débute avec une six cordes bien grasse, mais celle-ci se montre plutôt discrète par la suite. Comme c'est le cas des claviers, les guitares s’intègrent avec bonheur à l’ensemble pour contribuer à créer une ambiance générale équilibrée et heureuse, mais on aurait aimé découvrir quelques envolées plus délurées et surprenantes. Il en va de même des influences Dance ou Reggae qui, bien que rares, sont si agréables (dans "Nameless World" notamment) qu'elles auraient certainement gagné a être explorées un peu plus en profondeur.

Pour moins immédiat qu’il soit, Little Armageddon se révèle un très bon album de Rock, attachant et convaincant, porté par une section rythmique exempte de toute réserve (ce qui ne manque pas de donner des regrets rétrospectifs au regard de la disparition de celle-ci dans la mouture actuelle du groupe). Moins fou et exubérant que Can Be Late, Little Armageddon nous prouve qu'en 2014 SKIP THE USE est un groupe de Rock sur lequel il faut compter et dont on peut espérer que l’évolution future soit source d’un plaisir moins fugace, plus vicieux, plus sournois.
Little Armageddon, c’est un peu la fin du Coitus interruptus.
C'est aussi malheureusement la fin de l'âge d'or du groupe.