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Sam COOKE - My Kind Of Blues (1961)
Par LE KINGBEE le 13 Juin 2017          Consultée 1334 fois

Nous sommes en 1961 et Sam Cooke tombe dans l’escarcelle de l’une des plus grandes firmes américaines en terme de moyens et de puissance financière, RCA-Victor. Parallèlement à sa carrière de chanteur, Sam COOKE dirige aussi les labels SAR et Derby, deux petites maisons de disques qu’il a fondées en compagnie de son ami J.W. Alexander. On est au tout début de la décennie, époque où les artistes afro-américains sont encore peu nombreux à gérer leurs intérêts. Certes, les labels indépendants Vee-Jay à Chicago ou Duke et Peacock à Houston font de la résistance et préfigurent le futur succès de la Motown et de la Stax, mais Sam COOKE peut paraître comme un visionnaire. Le label SAR permet au chanteur d’enregistrer les musiciens de son choix. C’est ainsi qu’entre 1960 et 61, COOKE met en boîte des singles pour les Soul Stirrers (son ancien groupe), Johnny Morrisette, Johnnie Taylor, L.C. Cook (son frangin) ou les Sims Twins, un duo annonciateur du futur Sam & Dave.
Quand on vous disait que COOKE était un visionnaire, il faut voir là le virage entrepris vers la Soul et la Pop par le meilleur chanteur noir du moment. Il ne fait guère de doute qu’Alexander, son grand ami, a décidé de le sortir définitivement du registre Gospel et aussi d’une Soul sentimentale et naïve au profit de la Pop et de la Variété. Voici comment on peut brosser le tableau de ce début sixties.
Sam répond à l’appel de la RCA malgré une tentative tardive de Jerry Wexler, l’un des boss d’Atlantic qui vient de perdre Jesse Belvin (décès) et Ray Charles.

Le staff de la RCA prend une première mesure: la firme confie le chanteur à deux directeurs artistiques de son crû : Hugo Peretti et Luigi Creatore. Un demi-siècle plus tard, on peut se demander si RCA n’a pas encore fait une grosse boulette en confiant COOKE aux mains de ces deux sans-grades. Peretti, fondateur de Mayfair Records, label spécialisé dans les disques pour enfants, fait ses gammes chez Roulette Records avant d’atterrir comme par enchantement à la RCA, s’occupant notamment de Perry Como. Son cousin Luigi peut se prévoir d’un curriculum quasi similaire, les deux cousins collaborent ensemble depuis des lustres. Il n’y a donc pas de quoi sauter au plafond avec ces deux noms. Les deux italo new-yorkais décident de prendre Sammy Lowe pour les arrangements. Ancien trompettiste d’Erskine Hawkins, Lowe n’a jamais révolutionné la musique (après Sam COOKE, il sera arrangeur pour Nina SIMONE, brièvement pour James BROWN et pour tout un tas de groupes « mous du genou ». Pas de quoi affoler une boussole ! Toujours est-il qu’on envoie le chanteur à New York pour deux jours de session les 19 et 20 mai, le disque sortant dans les bacs en octobre.

Cette synthèse concernant la mise en œuvre de ce disque (production, arrangements, orchestration) pourrait paraître brutale, mais il faut bien avouer que Peretti, Creatore et Lowe n’ont jamais cassé trois pattes à un canard. On pourrait croire ce trio capable de se refaire la cerise avec un répertoire novateur ou sortant de l’ordinaire, mais là aussi c’est râpé. Il est vrai qu’en ouverture « Don’t Get Around Much Anymore », un ancien titre du tandem Duke Ellington/Bob Russell, ne donne pas dans le modernisme mais plutôt dans le désuet. Parfait prototype de la ballade jazzy, le morceau a été repris par environ 200 formations de Jazz, et vient d’être gravé par les Coasters, Bobby Darin et Little Anthony. On peut se demander quel est l’intérêt pour RCA et Sam COOKE de le reprendre. Certes, on peut toujours se dire que la reprise de COOKE est une honnête mise en bouche reléguant à des années lumière la version du pauvre Tab Hunter, mais cela ne fait guère frétiller le poisson. Le premier couac réside en fait dans le titre-même de l’album qui fait clairement référence au Blues. On a beau être open, se montrer conciliant mais force est d’admettre qu’il n’y a pas une once de Blues ici. Impression identique avec « Little Girl Blue », une vieille compo de Lorenz Hart chantée au fil des années par de grandes cantatrices (Lena Horne, Ella Fitzgerald, Nina SIMONE, Doris Day jusqu’à Sinatra) on reste encore dans le genre bluette sentimentale pour ado boutonneux, un titre gentillet bien loin de l’impulsion de Janis Joplin.

Alors, nos deux cousins offrent à Sam COOKE l’occasion d’interpréter un titre datant de Mathusalem avec « Nobody Knows You When You’re Down And Out ». Dans les années 20, Bessie Smith parvenait à gorger la chanson d’émotion, mais à l’orée des sixties cette ballade insipide a pris un terrible coup de vieux et l’orchestration inexpressive et plate n’arrange pas ce sentiment. Sammy Lowe demeure probablement l’instigateur de « Out In The Cold Again », une romance trentenaire interprétée par son ancien mentor Billy Eckstine. Dean Martin et Frankie Lymon s’étaient déjà attaqués à ce mélo archaïque et Sam COOKE ne fait pas mieux. Le répertoire reste désespéramment aussi lisse qu’ennuyeux.
On se dit que les choses vont finir par bouger, que le répertoire va rajeunir, mais en fait nos deux producteurs se contentent de recycler des morceaux appartenant au catalogue RCA, morceaux vieux comme le monde. Le rythme s’accélère légèrement avec « Exactly Like You » popularisé avec verve par Benny Goodman et Count Basie alors que Sam COOKE avait à peine cinq ans. Si le chanteur dispose d’une voix hors norme, on a l’impression que même lui ne croit pas aux fadaises qu’il chante. Et pourtant, ce titre connaîtra des versions recommandables (Doris Troy, BB King ou Timi Yuro). « I’m Just A Lucky So-And-So » pourrait sortir du même tonneau, encore une ballade sentimentale d’une incroyable mièvrerie. Rien à voir avec certaines interprétations Jazz (Wes Montgomery, Yusef Lateef) pleines de feeling. Petit regain d’enthousiasme avec « Since I Met You Baby » la grande ballade et l’un des rares succès du pianiste Ivory Joe Hunter, malgré une orchestration pesante. On conseille les versions de Solomon Burke, BB King avec Katie Webster ou celle plus récente et plus « djeun » de Black Joe Lewis. « Trouble In My Mind », pièce majeure du pianiste Richard Marigny Jones, a été repris à toutes les sauces (ragtime, blues, hillbilly, R&B, soul) le chanteur nous en offre une honnête version malheureusement ampoulée par une orchestration digne d’un supermarché. La voix prend son envol sur « Baby, Won’t You Please Come Home », une ballade des années 20 du pianiste Clarence Williams. Enfin un titre qui nous revigore un brin et qui dépasse par la qualité du chant les versions de Ray Charles, Louis Prima, Brook Benton ou Dean Martin (que des jeunots !).

Ce troisième disque RCA de Sam Cooke a aujourd’hui très mal vieilli. Massacré par des arrangements et une orchestration obsolètes, sans groove ni feeling, et un répertoire démodé, il ne reste que la voix hors norme sur ce disque, ce qui fait peu pour récolter la moyenne et ce malgré toute l’estime qu’on peut porter à ce fabuleux chanteur. De la Soul sentimentale et policée à la limite de la variété jazzy.

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- Sam Cooke (chant)
- Morris Wechsler (piano)
- Everett Barksdale (guitare)
- George Duvivier (basse)
- Panama Francis (batterie)
- Nunzio 'toots' Mondello (saxophone)
- Seldon Powell (saxophone)
- Melvin Tax (saxophone)
- Reuben Phillips (saxophone)
- Jerome Richardson (saxophone)
- Lou Oles (trompette)
- Steve Lipkins (trompette)
- Ray Copeland (trompette)
- Joseph Wilder (trompette)
- Albert Godlis (trombone)
- Larry Altpeper (trombone)
- Frank Saracco (trombone)
- John Grims (trombone)
- Eddie Birt (trombone)


1. Don't Get Around Much Anymore.
2. Little Girl Blue.
3. Nobody Knows You When You're Down And Out.
4. Out In The Cold Again.
5. But Not For Me.
6. Exactly Like You.
7. I'm Just A Lucky So-and-so.
8. Since I Met You Baby.
9. Baby, Won't You Please Come Home.
10. Trouble In Mind.
11. You're Always On My Mind.



             



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