La Trance est ressuscitée, finies les espiègleries Goa à outrance, on ne navigue plus dans un tube concave, dans cet univers cybernétique parfois entaillé de délires hippies. La "techno fluidifiée" vogue au gré des influences multi-ethniques, finis les beats répétitifs, finis les sons de synthé artificiel, aujourd'hui on brasse des percutions à foison, on pioche dans les instruments acoustiques divers, accédant du même coup à un panel d'ambiances plus marquées. L'inconvénient, c'est que le côté "Goa" ayant disparu (les artistes du style disant avoir fait le tour de la question), c'en est terminé des long morceaux progressifs avec montées en puissance, emprisonnés dans un univers 100% artificiel laissant votre esprit voguer au gré des délires shamanico-cybernétiques. La "Trance psychédélique" d'aujourd'hui est au contraire plus terre-à-terre, quelques rares moments d'intensité émergeant parfois au gré des ambiances.

Mais qu'importe, acceptons l'évolution puisque évolution il y a. Une fois que l'on a bien ciblé le fait que "Shango" est un album de la nouvelle scène, il vous faut simplement accepter la musique pour ce qu'elle est, une succession d'univers irréels, sculptée dans de l'électro de "dance floor". JUNO REACTOR affiche d'emblée sa marque de fabrique, de la musique d'ethnies afro-futuristes, balançant ses congas tribaux dans des ambiances urbaines et fantastiques. La plupart des morceaux auront hérité des percussions fiévreuses de l’album Bible of dreams, pratiquement mélodiques par instants (on est d'accord, c'est une image), marquant l'abandon du beat occidental rigide. On remarquera tout de même un certain côté répétitif dans les basses (le nocturne "Insects" et son balancement carcéral, "Nitrogen part 1 & 2" et leurs grattouillis industriels), il ne faudrait pas croire pour autant qu'on échappe au courroux répétitif du genre, bien au contraire (et c'est même ici le principal souci).

Shango se distingue cependant par deux singles. Le premier, "Pistolero", composé en association avec Steve Stevens (célèbre pour avoir été guitariste de Billy IDOL), présente l'album sous un jour différent, associant le flamenco à des fusillades typées western, très loin du style africain adopté sur le reste de l'album. Le titre est véritablement excellent, car bien plus mélodique et varié que tout ce que l'album propose d'autre. Le second single s'incarne en un "Master of the universe" plus rythmé que le reste, reprenant les archétypes du genre, délaissant pour un moment le côté acoustique pour un "hit" Trance parcouru de voix féminines, à l'image de ce que l'on retrouvera à foison sur Labyrinth. Reste qu'en dehors de ces exceptions, qui permettent à l’album d'acquérir une certaine variété, l'ambiance tribale prédomine, jusque dans les très ambiants "Solaris" et "Song for ancestors", le second mettant lui aussi une voix féminine en vedette.

Shango fait donc, sauf exceptions donc, pratiquement coup double avec son prédécesseur. L'album souffre également d'un syndrome récurrent chez le groupe, une tendance à l'assoupissement, chaque titre proposant du neuf, mais ceux-ci étant trop longs ou manquant d'intensité. Shango, bien que peut-être musicalement plus intéressant que Bible of dreams, ne réinvente pas le style. Il reste un album appréciable, contenant quelques immanquables pour qui apprécie les moutures suivantes et précédentes du groupe.