SOFT MACHINE est l’une des formations ayant le plus contribué aux bouleversements musicaux de la fin des années soixante.
Lorsque le groupe se forme en 1966, la pop des BEATLES se teinte de psychédélisme et les courants les plus divers se mêlent peu à peu au rock. Il sera, avec le PINK FLOYD de Syd Barrett, la formation britannique la plus intéressante et la plus novatrice de l’année 1967.
Le groupe doit son nom au roman de William Burroughs, La machine molle, et se passionne pour le dadaïsme, le surréalisme, la pataphysique et le jazz. Il comprend alors Robert Wyatt, Deavid Allen, Kevin Ayers et Mike Ratledge. A la suite des problèmes rencontrés par Deavid Allen à la douane française, le groupe se recentre autour du trio Wyatt/Ayers/Ratledge.
Il joue souvent en compagnie du Floyd et la proximité des membres restera une constante. (les musiciens de SOFT jouent sur le premier album de Barrett et le FLOYD donnera un concert de soutient à Robert Wyatt suite à son accident en 1973).
A la grande différence du FLOYD, SOFT MACHINE est tout entier tendu vers le jazz et non vers le blues. Cette divergence creusera très rapidement le fossé stylistique entre les deux formations si bien qu’au bout de deux albums seulement, la parenté FLOYD/SOFT aura totalement disparu.
La musique de la machine molle est si caractéristique dans son élaboration et ses instruments qu’elle fondera un courant musical à part entière dit 'de Canterbury', localité où le groupe se forma, et premier courant progressif historiquement parlant. Un style marqué par l’absence de guitare, les orgues trafiqués, le Fender Rhodes, le jazz et une prédominance de l’improvisation sur l’écriture. Ce style fera école outre manche (CARAVAN, Henry COW) et aussi en France (GONG bien sûr, mais aussi les deux premiers MAGMA).

Ce qui frappe à l’écoute de ce premier album, outre une production qui prête à sourire et un son extrêmement vieilli, c’est l’inventivité et la densité, deux termes qui décrivent à la perfection l’univers de SOFT MACHINE.
La musique n’exploite aucune trouvaille mais cherche, creuse et part dans toutes les directions, si bien que, ce qui au final semble sonner comme de la simple pop psychédélique, s’avère être un langage puissamment innovant et jamais normalisé. On retrouve ici l’impression de fulgurance que dégage The Piper at the Gates of Dawn.
Le format adopté sur ce premier disque y aide beaucoup. Chansons courtes et séquences s’enchaînent avec fluidité et donne une impression de continuité parfaite. Ambiances jazz, soli d’orgues, passages free, mélodies superbes, séquences répétitives, et toujours cette impression de ne pas écouter une musique comme les autres, foisonnante et pleine d’humour : le pendant anglais des MOTHERS OF INVENTION.

SOFT MACHINE est probablement la seule formation à n’avoir compté en son sein que des leaders. Autant de personnalités hyper-créatives réunies dans un même groupe ne pouvait que conduire à une instabilité explosive et donc à une durée de vie très brève.
Ce premier opus est déjà excellent, mais le meilleur reste à venir.