De par son histoire, le rock celtique se veut à la fois festif et contestataire, deux facettes des peuples écossais et irlandais chez lesquels il puise sa source. En France, si certains artistes conservent le côté revendicatif du genre, notamment lorsqu'ils le badigeonnent de punk (les BOOZE BROTHERS en sont sans doute le meilleur exemple), c'est essentiellement l'aspect fédérateur et léger de ce genre musical qui prime, et qui semble le plus rassembleur (comme le prouve les CELKILT, dont le succès ne cesse de croître). Et à côté de ça, une poignée de groupes indépendant fait de la résistance, proposant un rock celtique dans lequel infusent des sonorités folk/rock plus "sérieuses", empreintes d'une forte énergie mais probablement moins dansantes que les habituelles chansons à boire. MERZHIN, longtemps leader incontesté de cette scène francophone, s'est peu à peu éteint, laissant sa place à d'autres groupes tout autant intègres, mais qui ont su mêler avec plus de réussite un rock classique avec des sonorités celtisantes. EPSYLON, dont les deux derniers albums sont de véritables coups de maître.

Pour célébrer ses 10 ans de carrière, le groupe vendéen publie un live capté en ses terres, à la Roche-Sur-Yon, en avril 2017. Si la setlist met à l'honneur les quatre albums publiés par la formation, ce sont bien les deux derniers albums qui se taillent la part du lion, et c'est bien normal : résolument rock, dotés de mélodies imparables à la bombarde, à l'accordéon ou au violon, ces titres sont à la fois percutants et immédiats, taillés pour le live. On apprécie cette agressivité contenue mêlée d'un sens inné de la mélodie, qui se cristallise sur des refrains de grande classe, et qui font mouche sans forcer ("Chaque Seconde", "Ecorchés", "Le Temps"). "Requiem", qui semble peu à peu s'inscrire comme un "classique" du groupe, se fait un des moments forts du show, dont on apprécie l'énergie de tous les instants et dont on savoure l'absence de temps mort.

Certains titres plus lumineux permettent de varier le concert ("L'exil", "Automne", "Ouvrage du coeur"), mettant en avant des sonorités carrément traditionnelles ou résolument folk. Cette qualité d'interprétation nous donne parfois l'impression d'écouter une compilation, car la participation du public est, il faut bien le reconnaître, peu mise en avant (il n'y a pas ici de "ferveur" qui porte le groupe, ou en tout cas elle n'est pas retranscrite, comme on peut l'entendre sur "Jeté dans l'Arène" où le public se fait discret), et le chanteur Nicolas Michon ne propose que peu d'interactions avec les spectateurs, ce qui n'enlève rien à la précision et à la beauté de ses interprétations.

Plus qu'un album live qui brillerait grâce à la fusion entre le groupe et son public, Live met surtout en avant 10 ans d'une carrière qui semble continuer de monter en puissance, et nous donne à savourer 18 titres savamment choisis qui se révèlent d'une qualité bluffante. En quatre albums, EPSYLON s'est constitué un répertoire d'une richesse et d'une beauté incroyable, construit autour de musiciens dont la sensibilité mélodique est éblouissante. Pour ceux qui souhaiteraient se mettre à niveau, ou pour se conforter dans l'idée que le groupe vendéen est précieux sur la scène musicale francophone, Live est une sortie chaudement recommandable.