Il s'agit probablement d'une des plus grandes stars américaines du paysage actuel. Qui ne connait pas DRAKE? Que ce soit pour sa distribution de dollars à des étrangers dans la rue, scène de l'un de ses clips, pour ses déboires sur les bancs des parquets de basketball où il ne sait définitivement pas se maîtriser, ou encore parce que vous l'avez vu à la télévision dans une série des années 2000. Quoiqu'il en soit, le Canadien maîtrisant son image est devenu une incontestable icône de notre époque. Sa discographie n'est pas en reste elle non plus, le rappeur en est avec cet album à son 5ème L.P. Scorpion comporte deux cd. Pari très risqué, on le sait, car les albums de rap sont avant tout faits pour être incisifs, pour raconter une histoire ou parler de thèmes précis qu'il ne faut pas forcément étendre sur des heures d'écoute. Mais DRAKE, intelligent, décide de faire un double album avec une facette rap, puis une facette r'n'b. Facile pour lui, il maîtrise les deux, il nous l'a prouvé depuis bien longtemps déjà.

Ce qui frappe à la première écoute, c'est l'absence de fil conducteur de cet album, ses 25 pistes ayant toutes leur propre identité, bien loin de ce qu'il avait su faire sur Nothing Was The Same. Quand le rappeur nous expose toute sa technique rap sur un "Survival" où il traite de ses expériences dans l'industrie musicale, il convainc tout autant que sur un "Elevate" où il commente sa progression sociale tout en exposant sa voix r'n'b en toute maîtrise. Son flow presque nonchalant sur "Nonstop" n'est en aucun cas à prendre à la légère puisqu'il nous envoie une des meilleures prestations de ce premier cd dédié au hip-hop. Chaque punchline est acérée, le rappeur donnant presque l'impression de s'ennuyer à force de facilité, tout en revenant sur ses capacités de businessman. Le sample de la voix de Mariah CAREY utilisé sur "Emotionless" réussit à lui conférer une ambiance soul dans laquelle le rappeur nous révèle l'existence de son fils. Le tube qu'est "God's Plan" nous emmène dans le discours de la réussite que DRAKE sait définitivement bien nous rabâcher à toutes les sauces. La réussite de ce morceau n'est en revanche pas étonnante, tout y est : un rythme endiablé, une mélodie entêtante, un rappeur qui sait allier flow et chant en toute aisance.
Le rappeur déçoit sur quelques productions. "I'm upset" n'est pas une grande réussite. DRAKE nous confie à quel point, soucieux de son argent, il refuse de laisser les femmes de son entourage le lui faucher. Révolté, il nous offre une bien meilleure mouture avec "8 out of 10" qui sample gracieusement Marvin GAYE pour constituer la plus grande réussite de notre rappeur, tandis que le sample de NAS sur "Mob Ties" aboutit à un résultat tout aussi impressionnant. Malheureusement, la fin de ce premier cd est jonchée de titres pompeux tels "Can't take a joke", "Talk Up" en collaboration avec JAY-Z qui n'y est pour rien dans la mauvaise construction du morceau, ou un "Is There More" guère passionnant. Seul "Sandra's Rose" tire son épingle du jeu grâce à une production signée DJ PREMIER ficelée et une interprétation grandiose du rappeur.

Etes-vous encore là? On attaque à présent le second album, la partie r'n'b du projet comme l'a annoncé DRAKE. Et vous n'êtes pas au bout de vos surprises parmi lesquelles une collaboration avec Michael JACKSON, des productions inattendues et la participation vocale de Lauryn HILL remise au goût du jour. Préparez vos oreilles.
Allons directement au plus curieux. Michael JACKSON, de retour? C'est vrai qu'il nous manque, ce génie décédé trop tôt. DRAKE a donc décidé de le faire renaître le temps de "Don't Matter To Me", chanson assez pompeuse. Cette résurrection clairement n'était qu'un coup de marketing. Cependant, sur "Nice For What" c'est au tour de Lauryn HILL, encore vivante pour le coup, de prêter sa voix. Et là, c'est une franche réussite. Voici un pur morceau pop détenant toutes les caractéristiques d'un single.
Pour le reste, on s'ennuie sur "Peak", "Finesse" ou "Jaded". On se relève doucement sur "Summer Games" qui propose une instrumentation pour le moins déroutante par laquelle le rappeur nous raconte ses problèmes de cœur. La production sur "Ratchet Happy Birthday" est de qualité, au détriment des paroles extrêmement quelconques qui peinent à convaincre. Sur "That's How You Feel" notre rappeur nous invite une fois de plus dans des histoires d'amourettes dont il n'arrive définitivement pas à se défaire, sur une production de qualité. Son rap ressort sur un "Blue Tint" fort incisif qui permet d'éviter de sombrer dans l'ennui de productions qui se ressemblent pour la plupart, sans fil conducteur. Avec "In My Feelings" le rappeur fait ce qu'il réussit le mieux, à savoir un morceau pop et rap dans lequel il propose un refrain entêtant propre à rester un moment en mémoire. "After Dark" gagne par sa production contrôlée et la contribution de Ty DOLLA SIGN qui livre un couplet fort réussi. "Final Fantasy" nous parle de délires de plumard que DRAKE n'hésite pas à dévoiler, cependant le morceau reste bien mou dans l'ensemble, tandis que "March 14" nous en remet une louche sur son enfant. L'instrumentation fait partie de celles déjà entendues des dizaines de fois chez le rappeur et qui commencent à souffrir d'une redondance évidente.

Le maître-mot de Scorpion, c'est la maîtrise. DRAKE est un rappeur, un chanteur, mais aussi un businessman qui sait comment gérer sa carrière. Cependant, on regrette la prise de risque qui avait fait de Nothing Was The Same ou Take Care de si bons projets. Ici, l'ensemble est indéniablement terne, peu d'auditeurs se satisferont d'écouter les 25 titres d'une traite. DRAKE s'est malheureusement transformé en machine à tubes depuis son album Views. Scorpion comporte de réelles bonnes idées, mais dénuées de cohésion, tandis qu'il pêche par sa mise en forme.