Ceux qui ont acheté une édition vinyle ou CD de Heaven and Earth ont eu droit à une belle surprise. En effet, à l’intérieur du livret, se trouvait un cinquième vinyle (ou troisième CD), comprenant cinq nouveaux morceaux pour presque une quarantaine de minutes de musique inédite ! Là, je tire mon chapeau à Kamasi WASHINGTON, il a fait fort, c’est un coup osé et généreux qui résume bien l’artiste. Un geste quelque peu gâché par la décision de sa maison de disque Young Turks qui décida de sortir l’album à part entière sur les rayonnages une semaine après la sortie de Heaven and Earth. C’est en prenant en compte cette décision mercantile et la durée de l’album, qui en fait un E.P. à part entière, que j’ai décidé de lui dédier une petite chronique pour le disséquer comme il se doit.

The Choice, c’est son petit nom, constitue la dernière pièce de son projet Heaven and Earth. Résumons-le rapidement : ce double-album a pour ambition de représenter le monde tel que Kamasi Washington le perçoit (« Heaven »), et tel qu’il le ressent (« Earth »). S’il était rempli de bons morceaux ingénieux, il accusait un trop-plein qui le rendait lourd à digérer.
Pour cet E.P., peut-on dire que le choix du titre est celui de vivre dans l’un ou l’autre monde ? En tout cas, le saxophoniste américain nous offre le meilleur des deux avec ces cinq morceaux, dont deux reprises. Deux reprises ? Oui, l’une est de Carole KING et s’intitule « Will You Love Me Tomorrow », un morceau qu’elle a écrit avec son mari Gerry GOFFIN pour son premier album culte Tapestry, que le saxophoniste reprend dans une version mettant en emphase l’aspect sentimental du titre, sans toutefois tomber dans l’écueil de la mièvrerie. Quant à la deuxième reprise, elle clôt l’album avec « Ooh Child » des FIVE STAIRSTEPS, leur morceau-phare originellement intitulé « O-o-h Child » (ici à Forces Parallèles nous prenons ces petites différences très au sérieux), repris entre autres par HALL & OATES, Dusty SPRINGFIELD et Nina SIMONE, et remis au goût du jour par sa courte mais amusante interprétation par Chris Pratt dans le film Marvel Les Gardiens de la Galaxie. Ici, l’orchestre XXL avec lequel nous avons fait connaissance dans Heaven and Earth s’en donne à chœur joie (la rédaction du site n’approuve pas ce mauvais jeu de mots) et finit l’album en apothéose.
Mais avant d’arriver à cette apothéose, il faut déjà passer par les trois autres morceaux du disque, les trois inédits. Disons-le tout de suite, ils sont moins aventureux que ceux du double-album. Point de reprise de B.O. d’un film avec Bruce Lee, point de saveur latine ou de Blackspoitation ici, mais un smooth jazz qui porte bien son nom, tout en courbes et en douceur, par lequel on se laisse porter comme sur une rivière. Le morceau d’ouverture « The Secret of Jinsinson » semble flotter sur un nuage grâce à l’orgue de Brandon COLEMAN, tandis que « My Family » et « Agents of the Multiverse » sont portés par un groove léger mais contagieux à souhait. Faire du smooth jazz n’est pas une mince affaire, tant la frontière entre plaisir d’écoute et ennui est fine avec ce style. Mais il en faut plus pour faire peur à Kamasi Washington qui prouve une fois de plus, et s’il en était besoin, qu’il est à l’aise dans tous les genres en nous proposant une musique cool et légère qui se savoure sans faim.