Contrairement à ce que peuvent dire ses détracteurs, Joni MITCHELL n’est pas dépourvue d’un sens de l’humour. Bien au contraire ! Regardez donc la pochette de son seizième album où elle tient une bête féroce à bout de bras. Mais, chez Joni, rien n’est jamais aussi simple qu’il n’y paraît et le tigre du titre n’est pas ce félin peint mais un animal bien plus dangereux : le show-business.

Le succès de Turbulent Indigo fut une surprise pour elle qui ne s’y attendait vraiment pas. Sans aller jusqu’à dire qu’elle était tombée dans l’oubli, disons plutôt que ses précédents disques avaient attiré moins d’attention, une attention d’autant plus stimulée par les premières parties qu’elle donne de Bob DYLAN et de VAN MORRISON.
Vu de loin, et de près aussi d’ailleurs, Taming the Tiger fait office de Turbulent Indigo 2.0. Les pochettes sont cadrées pareil -c’est un compliment, je les aime beaucoup toutes les deux-, le style musical est assez similaire. Quoique celui-ci soit quand même un peu plus varié, un tout petit peu plus rock. Il faut dire qu’elle dispose d’une énergie renouvelée depuis qu’elle a pu retrouver sa fille et se réconcilier avec elle, qu’elle avait dû abandonner lors de sa naissance au début de sa carrière, lorsqu’elle n’était qu’une énième chanteuse folk essayant de se faire un nom à Vancouver. Elle lui dédie d’ailleurs, ainsi qu'à son petit-fils, la chanson-titre. Comme pour d’autres artistes de sa génération (comme DYLAN) elle connaît dans les 90's un rebond après une décennie difficile et retrouve, comme dirait notre Johnny national, l’envie d’avoir envie. D’abord Night Ride Home, puis Turbulent Indigo et maintenant Taming the Tiger. C’est bon quand un artiste retrouve son mojo !

Le disque s’ouvre sur une carte postale, "Harlem in Havana", dépaysante et agréable, l’effet Buena Vista Social Club peut-être ? Puis on enchaîne sur "Man on Mars", peut-être le frère caché de la "Girl on Mars" d’ASH ? Le morceau est simple et entraînant avec des paroles compréhensives, de quoi obtenir un nouveau hit. Mais, à part une reprise par CHAKA KHAN en 2000, rien du tout, tant pis ! Passons "Love Puts on a New Face" qui joue sur les effets de texture sans grand résultat et allons directement à "Lead Ballon". Référence au zeppelin ou pas, en tout cas c’est ze chanson rock du skeud, et elle contient possiblement la phrase d’ouverture la plus 'badass' de toute sa carrière. Après quoi, elle se calme sur "No Apologies" jusqu’à être complètement relaxée lors du diptyque final "My Best to You" et "Tiger Bones", deux très jolies ballades.
Le gros défaut de Turbulent Indigo était son côté répétitif, surtout vers la fin de l’album. Taming the Tiger corrige ce problème en n’hésitant plus à varier les ambiances, quitte à copier celle d’Hejira. L’influence du grand disque de 1978 est plus que jamais présente : il suffit d’écouter "The Crazy Cries of Love" et "Stay In Touch" pour avoir l’impression de voyager dans le temps. Et c’est justement parce qu’elle assume son propre héritage musical que l’album fonctionne si bien. Il ne donne à aucun moment l’impression d’être forcé ni qu’elle s’obligerait à suivre un chemin balisé sensé accéder au succès, préférant faire ce qui lui plaît, comme elle l'a toujours fait.