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- Style : Gilles Servat , Yann Fañch Kemener

Denez PRIGENT - Mil Hent (2018)
Par SASKATCHEWAN le 21 Septembre 2018          Consultée 1769 fois

On ne l’attendait pas si tôt, le nouvel album de Denez PRIGENT. On prend vite le pli de la patience, quand on a déjà attendu douze ans le précédent. Une attente qui en valait la peine. Cette fois, le chanteur breton n’a pas disparu du paysage musical, au contraire. On l’a vu tourner partout en France, et un projet d’album a été assez vite annoncé, avec un extrait du texte d’« Ar marv gwenn » lu lors d’une interview sur France 3 et un single lancé en éclaireur au printemps 2018.

Comme pour Sarac’h en 2003, la pochette de Mil Hent (« mille chemins ») n’est pas une photographie de l’artiste. C’est le chanteur lui-même qui a pris ses crayons pour dessiner ce paysage d’hiver éclairé par un phare, une présentation en noir et blanc qui contraste avec la luxuriance d’Ul liorzh vurzhudus. La musique, au diapason de son écrin, se fait plus sombre ; les textes font souvent référence à la mort, au froid. Parfois, le lyrisme prend le dessus, voir notamment les très belles paroles de « Va Hent », où le chanteur détaille les couleurs de « ses mille chemins ». D'autres thèmes plus traditionnels affleurent : le malheur des femmes bien sûr (« Ar groazig aour »), véritable fil rouge de la chanson bretonne à toutes les époques, mais aussi le conte et la gwerzh bretons, source inépuisable d’images fantastiques (« An tad-moualc’h kaner », « Marc’h-Eon »).

La mélancolie douce des paroles est relevée par des arrangements d’une grande qualité. Mil Hent, de ce côté là, est moins foisonnant que son prédécesseur, mais les boucles synthétiques font leur grand retour ! Denez PRIGENT a fait appel à un autre musicien du coin, James DIGGER, pour étoffer son album. La dernière réalisation du DJ trégorois faisait la part belle à la synthwave, une orientation que l’on retrouve à plusieurs reprises sur ce disque. Les synthés prennent volontiers une teinte années 80. A l’occasion, d’autres genres électroniques sont mis à contribution, comme en témoignent les oscillations très dubstep de « An hentoù splann », le scratch sur « Ar rodoù avel » et même l’envolée de trance psychédélique au coeur du morceau « Ar marv gwenn », sans doute le sommet de l’album.

Les autres musiciens ne sont pas en reste. Yann TIERSEN offre deux très belles compositions à la voix de Denez PRIGENT : « Va hent » et « Hent noazh ». Leur collaboration est une telle évidence qu’on peut s’étonner qu’elle n’ait pas eu lieu plus tôt. Jean-Charles et Fred GUICHEN sont également de la partie*¹. Le premier clôt magistralement le pont instrumental d’« Ar rodoù avel » d’une fine reprise de la mélodie à la guitare, tandis que le second pose son accordéon sur le très énergique « An tad-moualc’h kaner ». Deux moments forts du disque. On pourrait continuer encore longtemps l’énumération des qualités de chaque musicien !

Pour la première fois sur disque, Denez PRIGENT chante en français. Le chanteur s’attaque à un défi de taille : adapter le genre de la gwerzh*¹ (chant ou plutôt complainte a-cappella en breton) à une langue qui possède une rythmique tout à fait différente. Le résultat est désarçonnant, et mérite bien une petite écoute. Le milieu du disque est d’ailleurs un point de rencontre entre les deux langues, puisque suit immédiatement « Marc’h-Eon », conté en breton. On emprunte les deux chemins avec le même plaisir.

Au fil des albums, Denez PRIGENT a réussi à se créer un univers bien à lui, un carrefour d’influences ou les mille routes empruntées se rejoignent et font sens. Va hent, comme les albums précédents du reste, révèle sa grande force : tout oser, sans jamais être incongru. A charge pour l’auditeur d’être aussi audacieux.

*¹ Frères Guichen : AR RE YAOUANK, c’étaient eux.
*² Gwerzh : chant a-cappella en breton qui "raconte" un fait tragique

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- Denez Prigent (chant)
- Yann Tiersen
- Jean-charles Guichen (guitare)
- Antoine Lahaye (guitare)
- Fred Guichen (accordéon)
- Jonathan Dour (violon)
- Thomas Ostrowiecki (percussions)
- Hibu Corbel (batterie)
- Cyrille Bonneau
- Yvette Pochat
- Jérôme Sequin (contrebasse)
- Maëlle Vallet (harpe)
- Ronan Le Bars (cornemuse irlandaise)
- James Digger (arrangements électroniques)


1. Ar Groazig Aour
2. An Hentoù Splann
3. Va Hent
4. Ar Rodoù Avel
5. Dans La Rivière Courante
6. Marc'h-eon
7. Al Labous Marzhus
8. Hent Noazh
9. An Tad-moualc'h Kaner
10. Ar Marv Gwenn
11. The Labyrinth Of Life
12. It Da Lavaret 'n He Huñvre
13. Nij An Erer



             



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