Il n'était pas difficile de passer à côté de cet album, au moment de sa sortie ! The Element of Freedom reste assez confidentiel dans la discographie d'Alicia KEYS, et pour cause, les Américains l'ont beaucoup moins bien défendu que les autres. Enregistré à New York, à la maison et avec une foule de producteurs/réalisateurs, du fidèle "Krucial" à SWIZZ BEATZ en passant par DRAKE, rappeur canadien qui commence à faire bien parler de lui, ce n'est pas non plus son meilleur disque, malgré des choix qui peuvent interpeler des non-fans de r'n'b.

C'est une suite à As I Am (2007), en cela qu'il adopte une posture rétro sur le plan musical. Pour être précis, après les années 70, voilà les années 80 clairement affichées parmi les influences majeures. Pas de Mellotron et très peu d'orgue Hammond, mais aux côtés du piano et du Moog (devenu favori de l'artiste), des synthétiseurs analogiques tels qu'on en trouvait dans la pop d'alors. Au quotidien The Times, KEYS a confié qu'elle écoutait alors pas mal THE POLICE, TEARS FOR FEARS, GENESIS et naturellement, l'échec relatif aux Etats-Unis devient son premier numéro 1 en Angleterre... Ne cherchez pas à lui demander sa main, car elle revendique sa liberté !

C'est le message de The Element of Freedom, à travers son titre, sa pochette, son ambiance musicale, un voeu spirituel de convier l'auditeur à lâcher prise, se laisser porter et s'élever haut comme elle-même cherche à le faire. Après une courte intro vocale qui tranche avec celles des années précédentes, KEYS enchaîne des titres soul inspirés avec le ton grave et profond dont elle a le secret : "That's How Strong My Love Is", "Love Is Blind". Ce dernier est déjà moins classique car il fait la part belle aux pianos électriques, miam !

Ensuite, les singles principaux, "Doesn't Mean Anything" et "Try Sleeping With a Broken Heart" sont parcourus d'effets aériens, nappes de synthés, riffs de guitare à la U2, et c'est splendide, un habit dont se parent très bien les mélodies sensuelles de KEYS. Celle-ci use des mêmes effets sur "Love Is My Disease", entre pop et gospel (avec la participation de Carlos Alomar, guitariste fidèle à David BOWIE), sur "Wait Til You See My Smile" où elle s'amuse avec son Moog chéri parallèlement au précieux piano, où elle fait grandir la batterie en même temps que les claviers sur un final instrumental enthousiasmant. Comme tout ce qu'on entend jusque là !

Tout serait parfait sans la dernière partie de l'album, cinq ou six chansons de facture plus classique et que l'artiste appelle "face fragile", opposée à la "face forte" décrite plus haut. "Empire State of Mind (part II)" est la suite d'une collaboration avec JAY-Z (sur The Blueprint 3, album de ce dernier), mais sans lui ici contrairement à ce qui était attendu. Sur "Put It in a Love Song", KEYS fait venir BEYONCE pour un duo groovy et très réussi. "Like the Sea" se démarque lui aussi grâce à un bon rythme shuffle, mais c'est tout.

Dommage pour cet écart de qualité, conjoint avec le syndrome rap/hip-hop qui oblige les albums à une longue durée, heureusement pas débordante ici. Ce sont quelques cinquante minutes qui paraissent hélas un brin superflues si l'on n'adhère pas trop à la dernière partie. Pour deux tiers, The Element of Freedom est, comme ses trois grands frères, révélateur du talent d'Alicia KEYS. On l'aime vraiment, cette parenthèse 80's !