Quand Alicia KEYS dit que Here est ce qu'elle a créé de plus rapide, ce n'est pas forcément évident à l'écoute, tant on a l'impression d'entendre son style plutôt bien mené dans sa tournure la plus classique. Une certaine aisance de sa part, sans aller jusqu'à ce point.

Ce sixième effort de la chanteuse-pianiste afro-irlandaise, maman d'un petit Genesis (!) depuis 2014, est en effet un disque tout ce qu'il y a de plus r'n'b, formule musicale qui n'a pas fini de faire parler d'elle à une époque où même le rap pur et mainstream/grand public tend vers la dépression. Si la voix d'Alicia KEYS donne toujours du plaisir à être entendue, comme son jeu de piano, son écriture, c'est aussi sans mal que l'on peut convenir de l'avoir vue faire mieux à d'autres temps de sa carrière.

Les chansons se trouvent entrecoupées de divers interludes aux cordes ou sous forme de dialogues enregistrés renforçant la couleur sociale et politique. De ce côté-là, si l'idée peut interpeller et paraît louable, cela rejaillit sur la composition qui prend de grands airs gospel, peut-être plus que d'habitude, parfois dans les titres des chansons même. Les synthés enrobent toujours le piano et la voix d'Alicia KEYS, mais dans une tonalité moins pop que la seconde moitié des années 2000.

Sur "Pawn It All" et "The Gospel", la chanteuse use de soupirs suggestifs portés par un bon groove, l'ambiance est soul classique à souhait, mais sur la seconde, le caractère urbain et agressif restent trop prononcés à mon goût. Bien sûr, KEYS y va de sa créativité, avec des rythmiques à contretemps, l'emploi passionnant du vibraphone de Roy Ayers en tant que soliste mais pas que, sur la bonne suite "She Don't Really Care_I Luv".

Un morceau cosmique et digne du meilleur de sa production, à l'instar de "Kill Your Mama" (co-écrit avec Emeli SANDE) où la chanteuse évolue sur une guitare western, superbe ambiance qui rejoint celle de "Holy War", morceau folk conclusif résonnant comme un hymne. La fraîcheur de "Girl Can't Be Herself" contrebalance la texture par trop uniforme du reste de l'album, de même que "Blended Family (What You Do for Love)", trait de lumière pop en duo avec le rappeur A$AP ROCKY.

Si un court moment-accalmie de "Illusion of Bliss" relève joliment le grisant "Illusion of Bliss", c'est de justesse. Alicia KEYS a chanté quelques mélodies torturées, mais rarement autant qu'ici. Il manque pourtant quelque chose, un élément salvateur qui débloquerait le tout. En sus d'interludes qui ne participent guère à la qualité musicale, toute la partie depuis "Work on It" (co-écrit avec Pharrell WILLIAMS) jusqu'à "Where Do We Begin Now" incluse n'apporte que bien peu d'idées à retenir. Un disque moyen donc, même si les fans de l'artiste sauront l'apprécier telle qu'elle a toujours été !