Le deuxième album du PENGUIN CAFE ORCHESTRA, sobrement intitulé en reprenant le nom du groupe, est peut-être l'album le plus connu de la formation, grâce à cette pochette quelque peu iconique. Grâce aussi à l'excellente musique qu'il contient !

Depuis "l'essai" (formule simpliste !) en 1976 et la série de concerts qui en découle (dont une première partie de KRAFTWERK à Londres), le groupe s'est considérablement étoffé, passant de quatuor à un large ensemble d'intervenants permanents et ponctuels. Dans la première catégorie, Simon Jeffes est le plus important, le seul véritable en tant qu'architecte sonore. Helen Liebmann, Gavyn Wright et Steve Nye se joignent à lui selon les morceaux et la couleur voulue.

En son sein, le PENGUIN CAFE ORCHESTRA accueille divers musiciens, dont le claviériste Peter Veitch (ici au violon et à l'accordéon) ainsi que Geoffrey Richardson, ancien musicien du groupe de rock progressif CARAVAN, seul véritable multi-instrumentiste à pouvoir épauler Jeffes. Notons qu'en 1981, année où sort ce deuxième disque qui est une collection de morceaux enregistrés depuis 1977, Richardson et Veitch ont intégré l'équipe de Murray HEAD. Ils jouent, ainsi que Jeffes et Wright en invités, sur ses albums Between Us (1979), Voices (1981, un de ses meilleurs) et le live Find the Crowd (1981), mais l'alliance indirecte HEAD/PENGUIN CAFE ORCHESTRA ne s'en tient pas là et va se poursuivre au fil des ans.

Si ce disque charme plus que les autres, en dehors de sa pochette, c'est pour son écriture toujours entre motifs mélodiques simples, improvisation et choix d'arrangements bien pensés. La diversité et une certaine forme de concision s'ajoutent aux qualités de ce disque, même si certains amateurs peuvent regretter le manque de titres longs, les hésitations du premier en 1976 et l'ambiance planante, feutrée. L'équipe penguine joue moins sur la dualité cordes/piano Fender Rhodes, les frottements contemporains. En un mot, ce disque de 1981 est plus folk !

Dès le départ, c'est sur un couple de guitares classiques que le tandem Jeffes/Richardson lance "Air à danser", un mélange de rythme calypso et de contemplation "à l'andalouse", morceau allègre et rompu par de brefs ralentissements, qui à chaque fois amènent un nouveau tour de "chant". La voix masculine, sans paroles, se balade avec légèreté, en unisson avec les cordes, la basse et les percussions soutiennent gaiement cet ensemble fort charmant, d'une finesse toute anglaise. C'est comme un tube pour le PENGUIN CAFE ORCHESTRA, touchant de simplicité et d'élégance.

Tout n'est pas dans le même ton, mais on peut d'emblée citer "Pythagoras's Trousers" qui offre le double effet d'un élan folklorique, comme une danse païenne nordique ou celtique en grande pompe, et d'une bizarrerie, si l'on en juge par les sons choisis. Le groupe nous raconte des histoires une fois encore, sur un mode chaleureux, enfantin. Ce dernier épithète convient bien à "Steady State", dont le hautbois est empreint de mélancolie saisissante, et "Cutting Branches for a Temporary Shelter", joli morceau traditionnel venu du Zimbabwe. Simon Jeffes l'interprète au dulcitone, un clavier contemporain du célesta (fin XIXème siècle). Autant dire que le timbre d'instruments, la recherche et le tâtonnement sont toujours de mise.

La diversité contribue à renforcer le caractère personnel et difficilement classable d'une telle musique, sauf si l'on conserve le terme "avant-pop" créé pour l'occasion. Alors que la suite "Yodel" enchaîne musiques d'abord tribale pour piano jazz puis venue des îles (avec cuatros et ukulélé), "Salty Bean Fumble" se perd dans une cacophonie aux tons blues, avant que "Walk Don't Run" ne joue de nouveau sur le registre festif, percussions massives et cordes en avant.

Le joli "Simon's Dream", au-delà de ses échanges piano-orgue, fait penser à un quadrille et, par ricochet, à ce que Mike OLDFIELD faisait à l'époque de Tubular Bells/Hergest Ridge (1973-74) lorsqu'il adaptait des thèmes traditionnels. Quant à "Paul's Dance", elle ne peut que ravir le fan d'Anthony PHILLIPS (suivez mon regard), sachant que l'oeuvre de l'ex-guitariste de GENESIS a elle aussi ce côté fait maison, recueil d'idées (la saga des Private Parts & Pieces).

Que les amoureux du premier album se rassurent car Jeffes et sa bande, entre deux tours d'accordéon ou de violon folk, n'ont rien perdu en matière d'expérimentation dans le sens le plus "années 70" du terme. "Harmonic Necklace", feedback de guitare, se fond bien dans l'ensemble, tout comme "Telephone Rubber Band", morceau pour cordes dont le tempo est marqué par les boutons et la tonalité du téléphone. Rien de foncièrement intello, encore une fois, c'est du travail bien fait.

Et puis il y a ce chef d'oeuvre de 7 minutes (le plus long ici) appelé "Numbers 1-4", pièce qui rappelle le mieux le premier album. On se perd à notre tour et avec bonheur dans les roulements graves de piano Fender Rhodes puis de guitare, dans ce qui s'apparente à une promenade sur le littoral ou dans un port au crépuscule. Un bateau fait plusieurs fois résonner son appel, le violoncelle de Helen Liebmann, les cymbales jazzy se côtoient à pas mesurés... Vraiment splendide ! Totalement à l'image de ce disque à découvrir, plus accessible que le premier sans doute.