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The TEMPTATIONS - The Temptations Sing Smokey (1965)
Par LE KINGBEE le 21 Octobre 2019          Consultée 1561 fois

En préambule, il convient de préciser que certains de mes collègues proposeraient probablement un autre aperçu de ce disque, votre humble serviteur n’ayant jamais été un grand fan de la Tamla Motown ni des multiples projets de Berry Gordy, leur préférant le son de la Stax, du label Hi ou des productions liées à Muscle Shoals ou Atlantic Records. En fait, en écoutant les productions de Gordy, je ne peux m’ôter de la tête que le bonhomme a essayé de me noircir les oreilles tout en prenant bien soin de blanchir ses vedettes. Force est de constater qu’à force de blanchir certains ingrédients, ceux-ci finissent invariablement par perdre leur goût. Ce qui vaut pour la gastronomie vaut aussi pour la musique.

Revenons brièvement sur la genèse du groupe. A la fin des années 50, Otis Williams, Melvin Franklin et Elbridge Bryant chantent au sein des Distants, un groupe doo wop de Detroit comme il en existe des tonnes. Les trois compères croisent la route des Primes, un trio originaire d’Alabama constitué de Kell Osborne, Paul Williams et Eddie Kendricks. Si tous ces chanteurs ont fait leurs gammes en frottant leur fond de culottes sur les bancs d’une église, les Primes, peut être plus malins que les autres, parviennent à se produire plus facilement en restant dans le sillage des Primettes, un ensemble féminin d’où émergera Diana ROSS. Les Primes stoppent leur collaboration au début des sixties ce qui permet aux Distants de recruter Kendricks et Williams. Devenu quintet d’abord sous le nom des Elgins, les TEMPTATIONS débarquent dans les locaux de la Motown en 1961, bien décidés à marcher sur les voies du succès. Le label est en pleine bourre depuis "Shop Around" chanté par Smokey ROBINSON & His MIRACLES et nombreux sont ceux qui espèrent avoir leur part de gâteau.

Oui mais voilà, les affaires ne marchent pas aussi bien pour les TEMPTATIONS. Le groupe connait bien quelques succès et a réussi à placer "The Way You Do The Things You Do" sur la plus haute marche des classements R&B, mais pas un seul Top Ten dans les charts Pop. Chez Motown on commence à émettre des doutes. Les MARVELLETTES ont triomphé avec "Please Mr. Postman", Little Stevie WONDER (pas encore devenu Stevie Wonder) a cartonné avec "Fingertips", Mary Wells avec "My Guy", tandis que les Supremes enquillent les 1ères places avec "Where Did Our Love Go", "Baby Love" ou "Come See About Me". Après s’être cassé le nez et les dents en essayant de leur composer des titres qui ne seront que des échecs, Berry Gordy décide de passer la main et de confier le groupe à Smokey ROBINSON.

Avec leurs beaux costards bien kitsch, leurs belles chorégraphies et leurs jeux de voix, les TEMPTATIONS ne comptent pas s’arrêter là en si bon chemin. Le quintet a pris de l’ampleur avec l’arrivée de David Ruffin remplaçant Al Bryant qui avait eu la mauvaise idée de fracasser une canette de bière dans la gueule de son pote Paul Williams. Songwriter attitré de l’écurie de Berry Gordy, ROBINSON est persuadé que le succès de la Motown peut aussi passer par eux. Smokey connait bien le groupe, il a fréquenté Otis Williams et Melvin Franklin à l’école. Dans les coulisses de l’Apollo de New-York, ROBINSON leur égrène un petit air qu’il vient de composer en pensant à la voix de David Ruffin : "My Girl". Avec son intro de basse répondant à la guitare de Robert White sur lesquelles s’engouffrent les voix baryton de Franklin et Williams alors que la voix de Ruffin vient envelopper le tout donnant au morceau comme un aspect de félicité, "My Girl" va se classer à la 1ère place des charts Pop et R&B, et sur la seconde marche des charts anglais, consacrant ainsi les TEMPTATIONS dont la vie se trouve bouleversée du jour au lendemain. En deux coups de cuillères à pot, Robinson vient de transformer la carrière des TEMPTATIONS, à l’instar de la fée Marraine métamorphosant une citrouille en un rutilant carrosse pour Cendrillon. Cette montée en gamme des TEMPTATIONS se retrouve dans les charts. Entre janvier 1965 et 1976, le quintet malgré de nombreux changements de personnel, verra 37 titres truster le Top Ten R&B. (15 de ces 37 titres investissant au passage le Top Ten Pop).

Ce second disque au titre clairement explicite lance donc les TEMPTATIONS sur les rails de la reconnaissance. Entre 1963 et 1965, William "Smokey" ROBINSON aura écrit dix chansons pour le groupe et six d’entre elles se classeront entre la 1ère et la 4ème place des classements R&B. On retrouve dans ce disque quatre d’entre elles : l’inévitable "My Girl", "I’ll Bee In Trouble", "The Way You Do The Things You Do", déjà présent sur le premier disque et repris par Dr. JOHN ou UB40 et enfin "It’s Growing". Alors si "My Girl" leur permet d’accéder à une notoriété mondiale, l’interprétation d’Otis REDDING l’année suivante nous semble supérieure au niveau du chant. A noter qu’on obligera les TEMPTATIONS à faire de leur premier Number One des versions en allemand et en italien. Ridicule ! "Baby Baby I Need You", future reprise d’un tout jeune Bob MARLEY, et "It’s Growing" (on lui préfèrera là encore la version de REDDING) pourraient constituer la synthèse du son Motown en ce milieu sixties. De la Soul édulcorée destinée aux teenagers noirs mais aussi au public blanc, un procédé idéal pour ramasser un max d’oseille.

Les huit autres titres proviennent de ROBINSON, certains ayant été coécrits avec des membres des MIRACLES. C’est ainsi qu’on retrouve par ordre d’apparition : "What Love Has Joined Together" chanté par Mary WELLS. On pourra lui préférer la version récente de Queen Latifah. "You’ll Lose a Precious Love" donne l’impression d’avoir plongé cinquante kilos de sucre dans un bénitier. Le sirupeux "Who’s Lovin You" avait déjà été chanté par les MIRACLES de Robinson, les SUPREMES et Brenda Holloway, Motown nous refourgue le titre, une belle façon de se faire un peu de maille sans trop cravacher. La présente version est tout de même moins sucrée que ses précédentes. "What’s So Good About Goodbye" provient du répertoire des Miracles, et sera repris par les Jackson 5 dans une version moins mou du genou. Mary WELLS avait réussi à faire monter "You Beat Me To The Punch" sur la première marche des charts R&B en 1962 et les TEMPTATIONS nous en délivrent une version plus convaincantes, tant au niveau de l’orchestration que des harmonies vocales. Pour les amateurs d’anecdote, chez nous la chanteuse Arielle en fera une adaptation pour Barclay sous le nom de "Tu m’as devancée". Le Pays n’en sortira pas grandi !

Autre titre pioché chez les MIRACLES avec "Way Over There" dont on peut préférer la version des MARVELLETTES moins guindée ou d’Edwin Starr plus actuelle. Egalement issu des MIRACLES "You’ve Really Got a Hold On Me" a été repris par une flopée d’artistes dont les BEATLES. Là encore ce sont les harmonies vocales qui sauvent le titre. On conseillera la version de la guitariste Gaye Odegbalola ou celle des SMALL FACES. Les amateurs de sucreries s’orienteront eux sur les versions de SONNY & CHER, de Phil COLLINS, les carries sont garanties ! Le disque s’achève sur un doo-wop des MIRACLES, si les TEMPTATIONS essayent d’enlever une partie de la chaptalisation, il faut reconnaître qu’il est toujours ardu de retirer le morceau de sucre qu’on a mis par inadvertance dans son café. A noter que ce titre chanté par les SUPREMES ne sortira qu’en 2008 (46 ans après son enregistrement) tant il était quelconque.

Plus d’un demi-siècle après sa sortie, ce second disque des TEMPTATIONS marque encore par la puissance presque céleste de "My Girl". Mais la moitié des titres fait penser à un vieux chewing-gum qui n’a plus de goût et dont on essaie de faire des bulles afin de s’occuper. Un disque qui pourrait à lui seul synthétiser l’industrie et la sonorité Motown durant la première moitié des sixties. Mais attention, si les TEMPTATIONS gardent de beaux costumes, ils ne tarderont pas à prendre une conscience politique via un nouveau producteur. Mais de cela on reparlera peut être dans un prochain épisode.

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- David Ruffin (chant)
- Eddie Kendricks (chant)
- Paul Williams (chant)
- Melvin Franklin (chant)
- Otis Williams (chant)
- Robert White (guitare)
- James Jamerson (basse)
- Smokey Robinson (piano)


1. The Way You Do The Things You Do
2. Baby, Baby I Need You
3. My Girl
4. What Love Has Joined Together
5. You'll Lose A Precious Love
6. It's Growing
7. Who's Lovin' You
8. What's So Good About Goodbye
9. You Beat Me To The Punch
10. Way Over There
11. You've Really Got A Hold On Me
12. (you Can) Depend On Me



             



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