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The TEMPTATIONS - All Directions (1972)
Par LE KINGBEE le 16 Avril 2022          Consultée 820 fois

Alors que The TEMPTATIONS sont annoncés à l’Olympia en octobre 2022, sous l’égide du producteur Gérard Drouot, revenons à All Direction, album mythique de la Soul publié en 1972 par la firme Motown.

En aparté, précisons que votre humble serviteur n’a jamais été un grand fan de l’écurie Motown, trouvant le discours trop aseptisé avec une Soul passée au court-bouillon qui finit inexorablement par devenir insipide. Les goûts et les couleurs ne se discutent pas, ceci pour expliquer la note qui risque d’en découdre.

Nous sommes maintenant en 1972. Depuis Puzzle People, les membres des TEMPTATIONS ont mis leurs beaux costumes au rebut. Certains d’entre eux n’hésitent pas à se parer de chemises hippies, de pantalons patte d’eph' et à arborer une coupe afro. Enfin, c’est du moins ce que laissent suggérer certaines pochettes. On peut néanmoins considérer que le service marketing de Berry Gordy est l’instigateur de ces changements vestimentaires.
Suite au meurtre de Martin Luther King, aux échauffourées du Printemps 68 aux abords des campus, pas mal de choses ont changé (finalement pas tant que cela) : la Soul s’est quelque peu radicalisée. Norman Whitfield qui a pris en main la carrière du groupe a senti le vent tourner et n’a pas hésité à ce que la formation incorpore tour à tour militantisme politique et un idéalisme psychédélique bien dans l’air du temps. D’un autre côté, Berry Gordy, big boss de la Motown, a préservé contre vents et marées une image bien proprette des TEMPTATIONS n’hésitant pas à les associer à maintes reprises aux SUPPREMES de Diana ROSS. Le patron de la Motown faisait là d’une pierre deux coups, se révélant comme l’un des meilleurs blanchisseurs.

Revenons à 1972 et à son contexte. En mai, cinq barbouzes se font piquer la main dans le sac en train d’installer des micros au Watergate, immeuble où siège le parti démocrate. En juillet, la Black Liberation Army détourne un vol de la Delta Air Line entre Detroit et Miami. Musicalement, tout semble en permutation constante ; les tendances et les modes changent avec les percées du Big Apple Band (futur CHIC), de Bobby WOMACK, Billy PAUL et Bill WITHERS, l’organisation à Los Angeles du Festival Wattstax et les premiers cartons des producteurs Huff & Gamble, chantres du Philly Sound.
Tout change … … Surtout au sein des TEMPTATIONS où Paul Williams se retire, suite à une grave dépression (il se tirera une balle dans le caisson deux ans plus tard) alors qu’Eddie Kendricks quitte ses compagnons afin de s’envoler vers une carrière en solo. Les deux amis sont remplacés par Richard Street, ancien membre des Distants et des Monitors et Damon Harris, véritable clone vocal d’Hendricks. Après quelques balbutiements, le groupe repart de plus belle et décroche un quatrième doublé sur la première marche des classements Pop et Soul, transformant All Directions en une vraie mine d’or, l’album devenant rapidement l’une des meilleures ventes sur le territoire américain.

Alors, cinquante ans après sa sortie, qu’en est-il de cet album qualifié de mythique par de nombreux spécialistes de la musique noire ? A l’instar de certains sprinters risquant une élimination précoce suite à un faux départ, de nombreux chroniqueurs ont été comme happés par le groove et la puissance d’un seul titre, certes phénoménal mais qui ne peut à lui seul faire remonter l’impression générale.

Si le tandem Whitfield/Barrett Strong (auteur du hit "Money (That’s I Want)" contribue à apporter deux titres dont "Papa Was A Rolling Stone", il ne faut pas oublier qu’il s’agit ni plus ni moins de deux refourgues. En ouverture, "Funky Music Sho Nuff Turns Me On" avait antérieurement servi d’un excellent point d’ancrage à Edwin STARR. Avec son passage d’harmonica, cette interprétation nous semblait plus percutante que l’embrouillamini proposé par les TEMPTATIONS, pollué par des claquements de mains, une guitare wah-wah et des bruits de fonds évoquant une fausse Jam. Une impression confirmée deux ans plus tard par la version vivifiante et funky d’Yvonne FAIR qui renvoyait tout simplement les TEMPTATIONS dans leurs buts. Même la reprise de Patti LaBelle nous semble supérieure. Le répétitif "Run Charlie Run" souffre d’un texte assez pauvre et inutilement provocateur. Seul l’apport de bongos en début de titre nous paraît intéressant.
La formation se montre plus à l’aise sur "Love Woke Me Up This Morning", une compo du couple Ashford/Simpson, un morceau plus sucré qui évoque leurs premiers titres. Encore une fois, la version antérieure de Marvin GAYE en duo avec Tammi Terrell nous semble plus convaincante. "I Ain't Got Nothin" * vaut surtout par la dualité d'Otis Williams et Melvin Franklin au chant et par ses doux volutes de piano. Autre petite douceur avec "The First Time Ever (I Saw Your Face)" empruntée à Ewan McColl, activiste syndical écossais et brillant compositeur Folk. Si cette superbe ballade a longtemps fait le bonheur de nombreux combos Folk, elle tombe dans la besace de la Soul Music via la version de Roberta Flack à la fin des sixties. Depuis, le titre a été accommodé à toutes les sauces, de Elvis à Céline DION en passant par George MICHAEL ou, plus récemment, par Josh Groban. Chez nous, Nana MOUSKOURI en délivre une adaptation des plus acceptables avec "La Première fois". Si on ne peut que conseiller la version de McColl en duo Peggy Seeger, les TEMPTATIONS nous offrent ici un bien beau moment de tendresse et de délicatesse avec Richard Street en lead vocal. On peut aujourd’hui encore se laisser bercer par les paroles : The first time ever I saw your face - I thought the sun rose in your eyes - And the moon and the stars were the gifts you gave.
"Mother Nature" bénéficie du chant de Dennis Edwards, bien qu’un peu pathos, le titre étant de surcroît pollué par une invasion de cordes et de violons intempestifs. En guise de fermeture, Otis Williams et ses potes reprennent "Do Your Thing", titre d’Isaac HAYES figurant au générique de Shaft. Si chaque membre met son grain de sel à un moment donné, la version manque d’amplitude, le rythme trop lent retombe comme un soufflet mal cuit et les harmonies vocales font penser à une mixture de Doo-Wop et deS JACKSON 5. Une version bien inférieure, selon nous, à celle du Grand Isaac et, également, aux futures reprises de James et Bobby Purify (deux cousins) et À celle, plus récente, de Bette Smith en mode Rétro Soul.

Terminons par le morceau phare du disque, "Papa Was A Rolling Stone", qui marque par son groove toute une génération et va considérablement influer sur de multiples productions Soul du milieu des années 70. S’il s’agit encore une fois d’une refourgue, le titre a été préalablement enregistré par The Undisputed Truth. Si le groupe de Joe Harris et Brenda Joyce-Evans a connu une sacrée flambée avec "Smiling Faces Sometimes", il sert de cobaye à Whitfield. La première version de "Papa Was A Rolling Stone" par The Undisputed Truth publiée en single par la Motown ne connaît qu’un petit succès. Des 205 secondes de la version initiale, Norman Whitfield transforme complètement la chanson, celle-ci atteignant 704 secondes. Oui vous ne rêvez pas, un titre de presque 12 minutes, du rarement vu jusqu’alors dans l’univers de la Soul. Rentré dans l’inconscient collectif, "Papa Was A Rolling Stone" se distingue avant tout par une énorme ligne de basse hyper-groovy, une batterie se limitant quasiment au charleston, des coups de trompette qui confèrent une atmosphère étincelante et des harmonies vocales pleines de nuances suite aux différents timbres des chanteurs. On retient principalement la voix de fausset de Damon Harris interrogeant sa mère à propos d’un père vagabond décédé qu’il n’a jamais connu et la réponse pleine de mansuétude et de miséricorde sera constante : Papa was a rolling stone (my son) - Wherever he laid his hat was his home - And when he died, all he left us was alone. Bien évidemment, Motown en publie une version single, la chanson raccourcie de moitié. Ce titre classé à la première place des classements Pop est à ce jour le dernier Number One des TEMPTATIONS. Au fil du temps, le titre se voit évidemment repris par certains téméraires. Si LIVING COLOUR, George MICHAEL, Third World et surtout Isaac HAYES associé à Soul II Soul lors d’un show télé "Taratata" offrent des reprises méritant le détour, d’autres écorchent allègrement cette pépite, à commencer par GAROU, Craig David ou Phil COLLINS.

Au moment de dresser la note, on reste partagé entre la faiblesse d’une large moitié des titres, alors que deux pistes restent intéressantes et bien sûr le morceau phare. Malheureusement, au final, malgré la fulgurance d’un titre fondateur, "Papa Was A Rolling Stone" ne parvient pas à drainer les autres pistes derrière lui, l’album se montrant inégal avec un bon tiers de faces bouche-trous, d’où une note qui ne parvient pas à atteindre la moyenne.

*Titre homonyme à celui des NEW YORK DOLLS.

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   LE KINGBEE

 
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- Otis Williams (chant)
- Melvin Franklin (chant)
- Richard Street (chant)
- Dennis Edwards (chant)
- Damon Harris (chant)
- Melvin Ragin (guitare)
- Robert Ward (guitare)
- Eddie Willis (guitare)
- Billy Cooper (guitare)
- Robert White (guitare)
- James Jamerson (basse)
- Bob Babbitt (basse)
- Leroy Taylor (basse)
- Richard Allen (batterie)
- Andrew Smith (batterie)
- Aaron Smith (batterie)
- Uriel Jones (batterie)
- Earl Van Dyke (piano)
- Johnny Griffith (orgue)
- Maurice Davis (trompette)
- Jack Brokensha (vibraphone, timpani, cloches)
- Jack Ashford (tambourin, maracas, percussions)
- Eddie Brown (bongos, congas)


1. Funky Music Sho Nuff Turns Me On
2. Run Charlie Run
3. Papa Was A Rollin' Stone
4. Love Woke Me Up This Morning
5. I Ain't Got Nothin'
6. The First Time Ever (i Saw Your Face)
7. Mother Nature
8. Do Your Thing



             



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