Petite pause créative pour LE CONDOR, à travers un album retour aux sources comme le titre Racines l'annonce.

J'avoue avoir été dubitatif au début concernant l'envie de reprendre de grands thèmes du cinéma et notamment celui de la série "Game of Thrones", comme si ce simple fait dénotait une envie de surfer sur la "hype", la vague. Il y a peut-être de ça, mais s'y arrêter ne serait pas rendre justice au talent ni au travail du groupe arlésien. L'ambiance sur cette reprise est incroyablement forte, avec son rythme tribal aux tambours, fidèle certes mais ensuite, son arpège folk, sa mélodie jouée au galoubet, ses choeurs en vocalises doux. Plus provençal que nordique mais pas moins splendide, et puis ça change un peu des cordes !

C'est comme le thème de Christophe Colomb, emprunté à un autre Méditerranéen, VANGELIS et sa bande originale pour le film 1492 : Conquest of Paradise. Au début, on est circonspect, puis très vite on se laisse gagner par la partition de guitare acoustique qui s'amuse avec l'harmonie, et pour parler de la globalité de la reprise, par la couleur western morriconienne que prend le morceau, trompettes à l'appui. Sur la mer, l'Italie fait le lien entre la Grèce et la Provence, bien vu !

D'autres rivages sont atteints, moins cinématographiques mais tout aussi plaisants, avec la reprise de "Helplessly Hoping", chef d'oeuvre du trio CROSBY, STILLS & NASH. Si les maîtres de la folk américaine ne sont pas égalés (qui le peut ?), les vocaux sont respectés, le rendu agréable. De même, SIMON & GARFUNKEL et leur arrangement de l'air andin, "El Condor Pasa". Ici, la basse suit de près la guitare. Pour l'héritage Morricone, il y a encore l'esprit accordé à "Exodus", thème d'Alberto IGLESIAS réservé au film de Ridley Scott : quels beaux cuivres, flûte de pan, rythme blues.

Tout n'est pas du même niveau dans ce disque aux morceaux nombreux. Même si on reconnaît facilement la danse de l'excellente "Schiarazula Marazula", venue de la Renaissance et adaptée par le transalpin Angelo BRANDUARDI sur "La mort des hommes", l'exercice s'apprécie d'abord pour le piano et la flûte délicats. Malgré les mêmes éléments parcourus d'un chant grave impliqué, le "Minuit chrétien" et son traitement sucré retiennent moins les faveurs.

Néanmoins, lorsque Le CONDOR se rapproche de la religion, cela donne une excellente "Messe sévillane" avec chant espagnol, la marche "Highland Cathedral" sur fond de bolero, ainsi que trois morceaux émouvants enregistrés dans l'église abbatiale du Barroux, village proche de Carpentras dans le Vaucluse. Le cantique "Souvenez-vous", avec son choeur, mais surtout la valse "Window to the Past", dernier emprunt au cinéma et pour le coup à John WILLIAMS (sa contribution à Harry Potter 3 : le Prisonnier d'Azkaban), baignant dans la réverbération et à laquelle se prête l'orgue du père Henri qui a permis au groupe de jouer dans cet endroit. Une sobriété touchante comparée à la version d'origine, fort belle déjà.

Si les premiers titres révèlent à loisir la magnificence des arpèges acoustiques rejoints par la flûte (disque à dominante acoustique, où Le CONDOR joue rarement au grand complet), on ne peut qu'admirer la formule du traditionnel "Perles du coeur" et celle de la nouvelle version de l'"An dro" connu grâce au galicien Carlos NUÑEZ. Le galoubet y survole les notes de harpe celtique divine jouée par Manon Muia, demoiselle dont le talent s'étend également à la danse traditionnelle (provençale, irlandaise) sur scène avec le groupe et que l'on espère réentendre ainsi sur disque !

Pour rester en terre celte, le rapprochement occasionnel que l'on fait du CONDOR avec TRI YANN pour certains aspects musicaux et formels se justifie ici mieux que jamais grâce à la reprise instrumentale très chouette du "Kan ar Kann", pièce de choix du long morceau de bravoure "An Heol a zo Glaz", tiré de l'album du même nom (1981). Très médiéval d'abord (le thème de chalémie, flûte et basson avant la fin du morceau original), l'hommage s'envole vers la partie chantée de base, avec une incorporation de rythme exotique/antillais étonnante mais pas incongrue ! Un disque un peu trop long et pas toujours égal, mais qui contient de franches curiosités et réussites.