Le beau, le grand, LE CONDOR ! En 2010, le groupe basé à Arles s'est rendu plus professionnel et est devenu une grosse machine qui n'est pas prête de s'arrêter, malgré les années, un collectif étendu qui appelle des changements naturels au fil du temps... Une véritable famille, un attachement très Provençal et une complicité forte avec le public qui se presse aux concerts réguliers, qui les retrouve avec joie au moment des fêtes dans les rues des villages et les centres commerciaux.

Si LE CONDOR est une institution, ce n'est pas seulement parce qu'il est le seul nom d'artiste à porter aussi bien les couleurs de la Provence traditionnelle, même mélangée à des musiques modernes (rock, électronique) ou à d'autres influences (Bretagne, Galice). C'est aussi parce qu'il le fait bien, en tout cas par une formule riche et qui a tout pour séduire ! Le concept inclut des costumes certes, entre autres éléments coûteux, et Jean-François Gérold, meneur en chef, peut être témoin qu'il faut parfois se saigner pour une telle initiative, mais rien qu'au niveau musical, cela paye.

Ce disque de 2010 est un live véritable, avec du public mais aussi un sentiment de retravail assez fort, par rapport aux instruments qui ont dû être ajoutés ensuite. En tout cas, c'est propre, c'est beau et clinquant ! Ne manque qu'un peu plus d'énergie de la part du public, vraiment timide eu égard à la prestation de Gérold, Tutillo frères et les autres. Une musicalité qui se laisse admirer dans les nombreux roulements de batterie par Jean-Claude Dumas, les doublures guitaristiques ou les soli alternés de Jean-Marc Bisson à l'électrique et José-Luis Tutillo à la nylon électro/acoustique. Sans oublier bien sûr la profusion de galoubets, trompettes et cornemuses, plus ou moins mêlés aussi !

Le concert débute avec "Jean Petit qui danse", air connu partout sur les terres de France et de Navarre, ici passé à la sauce funk et reggae, cuivres forts, basse marquée... On retrouve d'autres airs très connus comme le suivant, "La cambo me fai mau", chant de Noël typiquement provençal dont la traduction du refrain est connue ainsi : "La jambe me fait mal, boute selle à mon cheval". Les choeurs et les trompettes s'affichent avec force sur une continuité de rythmes reggae (voire ragga dans le traitement du chant), mais la décision instrumentale (clavinette, guitare électroacoustique) fait qu'on ne s'aventure pas davantage sur les terres de MASSILIA SOUND SYSTEM.

Dès lors, LE CONDOR alterne reprises et compositions personnelles, quoiqu'en nombre infime pour le moment. Gérold écrit seul "Sur la route d'Avignon" au texte légèrement grivois (une histoire de rencontre, de bergère, de cabanon...), plus proche de la MANO NEGRA voire de LOUISE ATTAQUE pour ce côté folk-rock enjoué destiné à un public français au sens large et tous cuivres dehors. Pas un indispensable cela dit...

De même, la version de "L'arlésienne" (BIZET) qui commençait bien cependant aux flûtes et à la guitare en contemplation, la fin festive de la pourtant jolie "Fantaisie russe", les voix sur l' "Ave Maria" (plus GOUNOD que SCHUBERT) qui d'ailleurs propose des arrangements moins convaincants. Le siku (ou flûte de pan) augmenté de trompette et autres nous montre qu'à vouloir trop en faire, LE CONDOR nouvelle formule manque un peu d'expérience encore.

En revanche, la kena (autre flûte andine) se marie à merveille au galoubet, aux cornemuses, aux synthés et au rock lent ensorceleur qui nous dépeint une "Ballade du château" fort intéressante. Après MOUSSORGSKY, après EMERSON LAKE & PALMER, LE CONDOR ! Sur un thème plus sombre, il y a la reprise de Hugues AUFRAY, "Le petit âne gris", elle aussi entre jazz et rock progressif, vraiment transfigurée pour une chanson qui, à l'origine, regardait entièrement (texte comme musique) vers la Provence !

Le slow "Jonquille" avec le partage des guitares est vraiment chouette, à l'image de ce "Scarborough Fair" mille fois entendu, mais rarement en un mode folk-hard/metal que même ELUVEITIE n'a pas osé ! Tous les instruments, du violon à la guitare électrique, ont droit de cité, cette dernière se permet même une citation aussi brève que savoureuse de "Shine on You Crazy Diamond" !

LE CONDOR a de la suite dans les idées, peut-être trop car ça part dans tous les sens. Néanmoins, on ne saurait lui reprocher cet "Andro" rendu célèbre internationalement grâce au galicien Carlos NUÑEZ et introduit par le piano. Des arrangements futurs sont à prévoir et ce thème reste un favori du collectif en public. Autre coup de coeur : "Cuando Los Angeles lloran", empruntée au Mexicain Fernando FHER Olvera, une merveille de complainte crépusculaire où José-Luis Tutillo domine le jeu, en bonne et due forme.