Nous sommes en 1972, NEW RIDERS OF THE PURPLE SAGE poursuit son chemin sans trop d’encombres. Contrairement à de nombreuses formations, les différents membres demeurent inchangés ce qui confère une stabilité. Sur scène, NRPS draine un solide public regroupant des adeptes des mouvances Rock, Country, Psychédélique et Hippie, un nouveau public décontracté, n’hésitant pas à se plonger dans des atmosphères planantes sous le beau soleil de Californie. La formation est quasiment à son apogée vient faire une tournée en Europe, leur côte est au beau fixe.

Pour la Columbia, si le groupe n’a pas chamboulé les charts Country, il convient néanmoins d’expédier le groupe en studio avant qu’il n’implose de l’intérieur. En étudiant la pochette dorsale, on se dit qu’il n’y a finalement pas trop de risque, les différents membres ont l’air bienheureux. Avec leurs cheveux longs, Cage, Dawson, Torbert, Nelson et Dryden sont bien dans l’ère du temps, oscillant entre tenues de countrymen et look hippie, le groupe ne déparerait pas dans un western de Sam Peckinpah.

Si nos pseudos cowboys ont tourné dans le giron de Jerry GARCIA, les ponts avec le DEAD ne sont pas totalement rompus. Deux choristes viennent leur prêter main forte Donna Jean Godchaux⸋, l’épouse de Keith GODCHAUX, nouveau claviériste de GRATEFUL DEAD et Darlene DiDomenico qu’on retrouvera bientôt sur le futur disque de David REA avec les membres du NRPS. Pour donner un peu plus d’épaisseur au disque, le producteur Steve Barncard propose au groupe de participer à la production, un procédé qui lui permet de faire embaucher le violoniste Richard GREENE, un ancien membre des Bluesgrass Boys de Bill MONROE et du Blues Project. Plutôt issu du milieu Blues, le pianiste Mark NAFTALIN, ancien complice de Mike BLOOMFIELD et longtemps membre du Paul BUTTERFIELD BLUES BAND, se laisse lui aussi convaincre. Dernier participant avec l’arrivée du saxophoniste Jack SCHROER. Après avoir collaboré de longues années avec Van MORRISON, Schoer parvient à se caller entre une session pour Paul SIMON et une autre pour Boz SCAGGS.

Si la pochette peut évoquer un western de John Ford, elle n’indique pas clairement ce que nous propose le disque. Assis sur une souche d’arbre, on ignore ce que fait ce cowboy perdu au milieu de nulle part. Si on doit cette photographie à Thomas Weir, auteur en collaboration avec Robert Crumb de la pochette de l’album Cheap Thrills du BIG BROTHER & HOLDING COMPANY d’une célèbre chanteuse rousse, le parallèle entre les deux disques ne s’arrête pas là. NRPS a gorgé son répertoire d’effluves Psyché, une méthode pouvant convenir aussi bien aux hippies californiens qu’aux amateurs de Country Rock traditionnel. Composé de onze pistes parfois sinueuses, Gypsy Cowboy doit beaucoup aux plumes de Dave TORBERT et John DAWSON les deux pourvoyeurs en matière d’écriture. Afin de compléter l’album, NRPS s’offre deux reprises. Si le groupe s’est abondamment produit en Californie et dans de nombreux festivals sur tout le territoire, le travail de composition a été mis quelque peu au second rang, faute de temps et probablement d’imagination. On a l’impression que le guitariste et le bassiste ont raclé leur fond de tiroir en nous proposant ici des titres inférieurs aux deux précédentes galettes.

En ouverture "Gypsy Cowboy" qui donne son titre au disque nous plonge dans un univers sombre, peu captivant dans lequel se dégage une forte coloration Psy. "Whiskey" avec John DAWSON au chant épaulé par Darlene DiDomenico propose une tournure nettement plus Country dans laquelle la pedal steel de Buddy CAGE endosse comme souvent le premier rôle. "Groupie" se dévoile comme un bon Country Rock typique du début seventies bien dans le registre de POCO ou du PURE PRAIRIE LEAGUE. Si vous êtes amateurs de quadrilles ou de barn dance "Sutter’s Mill" vous donnera du grain à moudre. Cette face A se conclue avec "Death And Destruction", un long Acid Country Rock de plus de 8 minutes de John DAWSON. Et là on se dit que le bon John s’est fortement imprégné du "Down By The River", titre de Neil YOUNG figurant sur "Everybody Knows This Is Nowhere" et c’est un euphémisme. Rien d’alarmant l’excellent Neil YOUNG ayant influencé plus d’un jeune countryman et rocker. Là encore sans avoir l’air d’y toucher, on a l’impression que la pedal steel de CAGE tire la chanson vers des phases ascendantes.

La face B s’ouvre avec "Linda" une compo de DAWSON chanté par son créateur mais qui ne demeurera pas dans les annales. On a le sentiment que cette pauvre Linda sert de remplissage, à l’image d’un mauvais pudding. La pedal steel et le chant de Dave TORBERT influent une bonne dose de mélancolie à « On My Way Back Home ». Les guitares reprennent leurs prérogatives sur "Superman", la voix de Darlene DiDomenico contribue à apporter une touche de douceur. La reprise de "She’s No Angel", une compo de Wanda Lee Ballman popularisée par Kitty WELLS pendant les fifties, aurait tendance à prouver que DAWSON et TORBERT n’avaient plus d’encre afin d’imaginer de nouveaux titres. Toujours est-il que le combo nous délivre une reprise entraînante, la voix de Donna Jean GODCHAUX venant se superposer sur celle de David NELSON tandis que le violon de Richard Greene nous offre une belle farandole. Pour l’anecdote, ce titre est étrangement tombé dans l’escarcelle de nombreux groupes Bluegrass depuis les années 90. Seconde reprise avec "Long Black Veil", un Folk Hillbilly du tandem Danny HILL/Marijohn WILKIN que Lefty FRIZZELL fit grimper sur la 5ème marche des classements Country en 59. Ce Folk sera repris à toutes les sauces : le KINGSTON TRIO, Joan BAEZ, Johnny CASH, Marianne FAITHFULL ou The BAND l’ont placé dans leur répertoire. NRPS insère une dose mi Psy mi nostalgique n’apportant rien de particulier, mais cette chanson prouvait que David NELSON pouvait rivaliser au micro avec les deux chanteurs principaux. On peut se demander si la Columbia possédant les droits de la chanson n’est pas intervenue pour qu’elle figure dans l’album ? Le disque s’achève sur "Salin’", une ode à l’amour avec une pedal steel encore très présente. Si cette face B peut paraître plus homogène et apporte de la nouveauté avec les voix des deux choristes, cela ne suffit pas à en faire une galette croustillante qu’on a envie de dévorer à pleine dents.

Gypsy Cowboy s’inscrit pleinement dans la flopée de disques Country Rock et Folk Psy qui allait inonder une partie des Etats Unis au début des années 70. Un disque qui ne parvient pas à se démarquer de la production de l’époque. A ranger entre les BYRDS, POCO, MARSHALL TUCKER BAND et PURE PRAIRIE LEAGUE pour n’en citer que quelques uns. Ce disque a été réédité en format CD en 2007 avec 4 titres bonus Live.

⸋ Suite au décès de Keith GODCHAUX dans un accident de voiture en 1980, Donna Jean se retira quelques années des studios après avoir servi de choriste pour plusieurs studios d’enregistrement basés à Muscle Shoals. Présente comme choriste sur des titres d’Elvis PRESLEY, Percy SLEDGE, Etta JAMES, BEN E KING, Boz SCAGGS, CHER ou Dionne WARWICK, Donna a participé à l’aventure GRATEFUL DEAD pendant de longues années. Toujours en activité, elle se produit au sein de Donna Jean & The TRICKSTERS et on l’a voit dans des rôles d’invitée auprès de Steve KIMOCK ou Bob WEIR.