50th Birthday Celebration, c’est encore une nouvelle série*. Constituée de douze disques, elle est un témoignage des concerts donnés par John ZORN à l’occasion de son cinquantième anniversaire, fêté en septembre 2003 au Tonic**. Voyant comme toujours les choses en grand, il organise ce mois-là rien moins que trente soirées, un concert par jour, chacun étant lui-même divisé en deux parties. Ce dispositif lui permet de faire jouer différentes formations, certaines existant déjà (MASADA, PAINKILLER, etc.), d’autres étant plutôt des rencontres créées pour l’occasion (un duo avec Susie IBARRA, un autre avec Milford GRAVES). Troisième "catégorie" de concerts, ceux dédiés à une œuvre déjà enregistrée, (Kristallnacht, quelques Filmworks, Locus Solus, etc.). De ces trentes soirées, ZORN ne tire "que" douze disques, certains consacrés aux formations les plus connues (MASADA, évidemment !), d’autres aux créations totalement improvisées (HEMOPHILIAC, par exemple, ou un duo avec Fred FRITH).

Ce premier volume est une pépite. On y retrouve avec un immense plaisir un très grand groupe : le MASADA STRING TRIO, que l’on avait découvert en 1996 sur Bar Kokhba, puis retrouvé en 1998 sur Issachar. Ce trio de cordes, c’est Mark Feldman au violon, Erik Friedlander au violoncelle, Greg Cohen à la contrebasse. On savait ce trio magique, on le découvre, dans les conditions du concert, carrément dément.

Et pourtant, ce disque peut à première vue passer pour un "vrai" live, avec la limite que cela suppose : réentendre des morceaux déjà enregistrés en studio. Car oui, contrairement à la doxa en cours chez les fans, et qui voudrait que tout disque de ZORN, studio ou live, soit une création, la set-list est essentiellement constituée de titres déjà entendus sur Issachar. On pourrait alors craindre une redite. Mais ce serait mal connaître John ZORN, son très grand talent de chef d’orchestre, et sa capacité à renouveler sans cesse son discours musical. Car en dépit de son nom, le MASADA STRING TRIO est un quartet. Certes, ZORN ne joue d’aucun instrument, mais il est sur scène avec le groupe, et le dirige comme il dirige MASADA : avec rigueur, précision, et une grande concentration visible comme toujours par l’apparition de… sa langue ! qu’il se met à tirer, unique marqueur de l’intensité de sa concentration.

Fort de la présence de son leader, le groupe s’avère frémissant et piaffant au premier abord, avant de devenir rapidement fiévreux, jusqu'à l’incandescence. Bien sûr, la qualité ne nous étonnera pas. On retrouve chez chacun des musiciens une virtuosité sans pareil, une grande capacité d’improvisation, une précision de tireur d’élite. Mais c’est dans son sens du collectif que le trio ébouriffe vraiment, se montrant totalement dévoué à son compositeur et chef d’orchestre, s’abandonnant littéralement entre ses mains à la fois accueillantes et fermes. En véritable chef d’orchestre, ZORN utilise les talents de chacun pour former un tout d’une qualité rare.

S’il fallait ne conserver qu’un seul disque du MASADA STRING TRIO, ce serait probablement celui-là. Issachar était excellent, mais ce live est plus intense encore. Ainsi, en attendant que John ZORN publie un Marathon*** du type de ceux qu’il a organisé pour son soixantième anniversaire ou pour les Bagatelles – on ne peut croire qu’il ne les ait pas enregistrés – plongeons-nous avec délice dans ce cinquantième anniversaire, incandescent dès son premier volume par la grâce de ce formidable trio.



*Par commodité, on traitera ces albums dans leurs discographies respectives, quand elle existe. Ce sera le cas pour MASADA, ELECTRIC MASADA ou PAINKILLER.
**Salle de concert du Lower East Side, à Manhattan, dédiée à la musique expérimentale et d’avant-garde. Elle a fermé à en 2007. Entre-temps, John ZORN aura crée The Stone.
***Les marathons sont des espèces de concerts géants créés pour des événements particuliers. Pour ses soixante ans, ZORN jouait, en une seule journée avec 12 groupes différents, pendant 7 ou 8 heures d’affilée. Et c’était dantesque, évidemment !