Représentant du registre Country Rock, The AMAZING RHYTHM ACES dispose d’une discographie relativement luxuriante avoisinant la vingtaine de disques. Curieusement, cette joyeuse troupe n’a jamais totalement percé dans notre contrée, la faute probablement à une promotion et une distribution en berne, sans parler de nos éternelles racines bien éloignées de la Country US.

Le bassiste Jeff « Stick » Davis et le batteur Butch McDade♠ écument le Tennessee au sein de Fatback. Au début des seventies, après avoir joué dans le giron de Jesse Winchester, les deux copains s’installent à Memphis où ils rencontrent le guitariste Barry Burton⃰, un ancien de l’écurie Sun de Sam Phillips. Bien décidés à monter un groupe, les trois musiciens s’associent au claviériste Billy Earhart, au pianiste James Hooker (ex Eddie Floyd), un ancien des labels FAME et HI Records. Les cinq musiciens à la recherche d’un chanteur recrutent le guitariste Russell Smith⸋ en provenance de Nashville. La formation décide de se spécialiser dans le Country Rock, en intégrant du Blues, de la Pop et de la Blues Eyed Soul, un concept qui leur permet de se diversifier par rapport aux nombreuses formations de Country Rock concurrentes.
En 1975, le groupe décroche un contrat avec la firme ABC et enregistre un premier disque avec Stacked Deck. Deux titres émergent de l’album en rentrant dans les charts country, suffisant pour qu’ABC renouvelle sa confiance au groupe avec un second opus. C’est avec « Too Stuffed To Jump » (traduisible par trop bourré pour sauter) que le groupe va franchir un pallier et poser son nom sur la carte du Country Rock.

Bien aidé par une pochette qui fait sensation avec une grenouille sur une bécane en bois du dessinateur Tom Wilkes, le combo connait un succès immédiat principalement via la chanson « The End Is Not In Sight (The Cowboy Tune) » qui leur vaudra un Grammy, à la surprise générale. Bien produit par Barry Burton mettant en exergue l’adage voulant qu’on est jamais mieux servi que par soit même, ce second disque se diversifie de la production américaine de l’époque par l’humour, la truculence des textes et un répertoire largement plus éclectique que leurs concurrents.
Enregistré à Memphis au célèbre Sam Phillips Recording Studio, l’album nous offre un grand moment de décontraction avec le caustique «Typical American Boy », la combinaison orgue piano apporte un petit plus, la voix chaude et expressive tient autant du Country Rock que de la Soul. Virage à 90 degrés avec « I Just Knew What To Say », une ballade avec guitare acoustique et piano se situant à la lisière du Folk Psy, la chanson s’annonce sérieuse et diffuse un cachet mélancolique qui ne s’éternise pas. Preuve de la diversité du groupe, « Same Ol’ Me » s’inscrit dans un curieux mélange de Mainstream, de Bebop et d’une Country délicate, rien d’hyper fantastique mais le titre s’écoute agréablement d’autant plus, encore une fois, qu’il ne s’éternise pas inutilement. La ballade « These Dreams Of Losing You » pourrait figurer dans un disque des EAGLES, le piano tisse ici une subtilité rare tandis que Russell Smith n’a plus qu’à poser sa voix. Les influences Soul d’une partie des membres apparaissent comme le nez au milieu de la figure avec « I’ll Be Gone ». « Out Of The Snow » s’articule sur du Country Rock classique, le chant est chatoyant et si l’on tend bien l’oreille, on perçoit quelques fragrances de bluegrass bien swinguant avec la mandoline de Barry Burton. Comme leur nom peut le laisser entendre, le groupe étonne encore par ses changements de rythmes ; « Fool For A Woman » évoque fortement le Southern Rock de l’ALLMAN BROTHERS BAND, les guitares durcissent le tempo, la rythmique se révèle plus groovy et le chant de Smith fait encore merveille. Comme le suggère son titre, « A Little Italy Rag » est un Rag typique, la mandoline servant de parallèle avec l’Italie. Rien d’extraordinaire, mais le titre ne dure pas une éternité. En fermeture, la formation nous gratifie d’une superbe mélodie avec « Dancing The Night Away », le morceau le plus long de l’album. Si le piano et l’orgue s’entrelacent remarquablement et si le timbre de Smith étonne encore, Barry « Byrd » Burton assène en fin de titre un somptueux solo de gratte à l’ancienne sans pédale ou autre artifice.
Terminons ce bref tour d’horizon avec « The End Is Not In Sight », le titre fera le bonheur des programmateurs radio et figurera dans les charts. La symbiose entre les différents instruments est évidente, le chant bien en place, les solos de guitare interviennent aux bons moments, la mélodie reste soignée pour une chanson qui pourrait figurer dans un disque de Buffalo Springfield ou des EAGLES.

Enjolivé d’une étonnante pochette, cet enrobage de Country Rock patiné de Blues, de Soul, de Jazz et de Pop se situait peut être trop à contre-courant d’une Pop FM et du Disco qui allaient déferler sur tout le territoire pour finir par tout noyer. Si Russell Smith s’avère un bon guitariste rythmique et un excellent chanteur, il connaitra par la suite une riche carrière d’auteur compositeur. De son côté Jeff « Stick » Davis jouera brièvement pour John MAYALL avant d’enchainer avec Billy C. FARLOW et les bluesmen Frank FROST et Johnny Jones.

♠ Butch McDade a perdu son combat contre le cancer en 1998.
⃰ Barry « Byrd » Burton est décédé en 2008 d’une leucémie.
⸋ Russell Smith a rejoint ses deux potes en 2019 emporté par un crabe.