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Bobbie GENTRY - Ode To Billie Joe (1968)
Par LE KINGBEE le 7 Novembre 2020          Consultée 1432 fois

Début 2019, a l’occasion de la sortie de The Delta Sweet Revisited par le groupe The Mercury Rev, l’hebdomadaire l’Express titrait : « Mais ou est passée Bobbie Gentry ? ». Bonne question et heureux est celui qui pourra y répondre ou apporter sa pierre à l’édifice. Bobbie GENTRY a disparu des écrans radars au début des eighties. Certains prétendent qu’elle a intégré une communauté hippie dans la région de Los Angeles, d’autres affirment qu’elle s’est établie dans le Tennessee au sein d’une secte mystique. En fait on n’a aucune certitude, Bobbie pourrait aussi bien vivre de ses rentes dans un deux pièces à New York ou à Biloxi pas très loin de sa région natale tout en se demandant pourquoi les médias s’intéressent encore à elle alors qu’elle s’est retirée de la vie publique il a quarante ans de cela. Comme si il n’y avait pas autre chose de plus important !

Revenons brièvement sur la carrière de cette auteure interprète atypique dont les moins de cinquante n’ont probablement jamais entendu parler. Roberta Lee Streeter voit le jour en 1942 au Mississippi. A peine née, ses parents divorcent et Roberta est confiée à ses grands-parents paternels. Si pour Mémé Streeter, Roberta est le centre du monde, la gamine vit dans des conditions austères, la baraque n’a même pas l’électricité. La légende prétend que la grand-mère aurait échangé une vache laitière contre un piano pour le plus grand plaisir de la gamine qui commence à écrire et composer dès sept ans. Au contact de son père, elle se met au banjo et à la guitare avant de rejoindre sa mère en Californie. Adolescente, Roberta compose énormément et se produit dans le circuit des clubs avec sa génitrice sous le nom de Ruby & Bobbie Meyers. Elle se transforme en Bobbie GENTRY, nom tiré d’un personnage du film « Ruby Gentry » de King Vidor et décide d’achever un cursus en philosophie à l’UCLA. Tour à tour mannequin, secrétaire, elle se produit à Las Vegas, et décide de s’inscrire au Conservatoire de Los Angeles afin d’étudier les arrangements et le solfège. En 1966, elle participe à l’enregistrement d’un single de Jody REYNOLD, un rocker devenu countryman, le single édité par le label Titan est publié sous le nom de Jody and Bobbie. Repérée par Capitol, elle enregistre un an plus tard « Ode To Billy Joe », son seul et unique hit, sous la houlette de Kelly Gordon, un auteur chanteur producteur que Mercury vient de remercier. Si Gordon est parvenu à refourguer certaines de ses chansons à James BROWN, SINATRA, Aretha FRANKLIN ou Nancy Wilson, le gars n’a pas un gros talent pour le chant mais sait détenir un hit quand il en a un sous la main.

Sorti au mois de juillet 1967, « Ode To Billy Joe » reste sur la plus haute marche des charts pendant quatre semaines, et allait générer pas moins de huit nominations aux Grammy Awards, une première pour une chanson aussi funeste. Pour défendre sa nouvelle coqueluche, Capitol édite deux 45 tours, mais curieusement ce seront les étrangers qui se montreront les moins frileux avec la sortie de plusieurs EP via Capitol France, Espagne, Portugal ou Australie, comme quoi nul n’est prophète en son pays. La suite sera hélas moins tonitruante pour la chanteuse. Si Bobbie Gentry continue à enregistrer d’excellentes chansons, celles-ci ne se vendent guère, ce qui demeure le nerf de la guerre. On associera durant un temps Bobbie avec le chanteur Glenn Campbell pour des duos aussi fadasses que neuneu. La chanteuse se lancera ensuite dans l’animation et la production d’émissions télévisées, principalement en Angleterre. En 1982, à tous justes quarante ans, elle fera une apparition à l’Academy of Country Music Awards. On perd sa trace depuis cette festivité bien américaine.

Cataloguée contre son gré comme chanteuse Country, Bobbie Gentry se révèle davantage comme une auteure d’exception, excellente pour placer des mots. En fait son répertoire oscille entre Folk, Country et Pop Rock, un peu à l’instar de Tony Joe WHITE, son voisin des bayous. La pochette dévoile la chanteuse équipée d’une guitare sèche, tranquillement assise sur une clôture, une photo qui aurait tendance à nous orienter vers le domaine Folk. Ce qui est sûr, c’est qu’avec sa voix voilée, ses mélodies souvent très douces et indolentes, Bobbie Gentry se pose comme une représentante du Grand Sud, alors que les textes naviguent entre le glauque, le torride et posent un regard inquiet et parfois pessimiste sur le quotidien américain.

L’album s’ouvre avec un vrai Swamp Rock « Mississippi Delta », la guitare diffuse une sonorité brute de décoffrage, quelques notes d’harmonica renforcent le désenchantement de la voix. Si le titre sera repris avec une certaine verve par la sud-africaine Mercia Love et la philippine Helen Gamboa, c’est bien le rugueux Tony Joe WHITE qui permettra au titre de connaitre une seconde vie en 2006, via la réédition de titres gravés par le label Monument. Mais c’est dans le domaine de la ballade que la chanteuse se montre le plus prolixe. Portées par de langoureuses mélodies, ces ballades se dégustent comme des invitations au voyage. Si «  I Saw An Angel Die » se révèle hélas envahi par un florilège de cordes, « Sunday Best » s’inscrit dans le domaine du Folk avant qu’un paquet de cuivre et de violons ne viennent polluer le titre. «  Papa, Woncha Let Me Go To Town With You » est une ballade pleine de gaité nous plongeant davantage dans le registre de la Country Pop. On regrettera encore une fois cet enrobage de violonades, regrettable tendance de l’époque. Petite ballade Swamp « Bugs » se révèle encore une fois comme une parabole à l’univers de Tony Joe White. « Hurry, Tuesday Child » gagne haut la main le trophée de maillon faible. La mélodie lorgne entre Country Pop et Jazz ne sachant jamais trop sur quel pied danser. Un titre mollasson qui n’est pas s’en rappeler Dusty Springfield.

Bobbie se contente d’un seul emprunt avec « Niki Hoeky », une compo des frère Vargas (fondateurs de REDBONE). Là encore l’affiliation avec Tony Joe White parait évidente avec une ballade mêlant rythmes choctaw et Swamp des bayous. Si le titre avait été préalablement enregistré par PJ Proby dans une version ronflante et bouffie, Aretha FRANKLIN et surtout Bobby RUSH accommoderont le morceau dans une sauce Soul fortement conseillées pour les papilles et les oreilles. Mais Bobbie réussit ici à donner plus d’ampleur au titre. « Chickasaw County Child » se rapproche étrangement du précité par sa construction mélodique, l’esprit de Tony Joe White semble encore planer sur cette petite tuerie. « Lazy Willie » pourrait amplement figurer dans la première galette de Rickie Lee JONES, Gentry nous brosse le portrait pittoresque d’une figure typique de Sud profond, un personnage digne de Faulkner.

Comment ne pas terminer cette chronique par le carton de Bobbie. Si la guitare offre quelques similitudes avec d’autres titres, la chanteuse parvient à capter l’auditoire avec une chanson des plus lugubre, le suicide de Billie Joe. Repris plus de 200 fois, de nombreux péquenots se sont cassés les dents dans de malheureuses reprises. Le monde de la Soul essaiera elle aussi de placer la chanson dans sa besace, les SUPREMES de Diana ROSS, Nancy Wilson, Brook Benton et même l’excellent Joe Tex ne feront pas mieux, le morceau perdant souvent toute l’essence de son pouvoir poétique. En fait, hormis Tammy Wynette, Kathy Mattea et plus récemment Lucinda WILLIAMS avec Mercury Rev de nombreux repreneurs n’offriront que de purs massacres. Chez nous, Joe DASSIN en fera une adaptation frisant le ridicule, mais la palme reviendra au Sieur Garou qui bousillera la chanson à qui mieux mieux. Ah les canadiens doivent se bidonner, ils ont réussi à nous refourguer leur meilleur saboteur. « It was the third of June, another sleepy, dusty Delta day -I was out choppin' cotton, and my brother was balin' hay … And now Billy Joe MacAllister's jumped off the Tallahatchie Bridge… ». Maintenant à vous de juger si Bobbie Gentry n’avait outre une qualité d’écriture au dessus du lot, des dons prémonitoires : « There was a virus going 'round - papa caught it, and he died last spring ».

Souvent cataloguée comme chanteuse Country, Bobbie Gentry nous assène ici six petites pépites. Si certains pourront regretter des intro de guitares parfois similaires, sa marque de fabrique, Bobbie Gentry se démarque de ses nombreuses concurrentes par le biais d’une qualité d’écriture flirtant entre poésie et paroles sans concession souvent très sombres. Si les arrangements de Jimmie Haskell, le bonhomme qui contribuera au futur succès de « Bridge Over The Trouble » (SIMON & GARFUNKEL), se révèlent parfois bourratifs avec d’intempestives montées de violons, cordes et cuivres, sa guitare fait merveille sur une bonne moitié des titres. On ignore toujours quels sont les musiciens qui ont participé à l’album. Ne comptez pas sur Bobbie pour vous en apprendre plus. Ce disque aurait largement pu figurer dans les tiroirs de la Pop ou du Rock.

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   LE KINGBEE

 
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- Bobbie Gentry (chant, guitare acoustique)
- Jimmie Haskell (guitare, orchestre)


1. Mississippi Delta
2. I Saw An Angel Die
3. Chickasaw County Child
4. Sunday Best
5. Niki Hoeky
6. Papa, Woncha Let Me Go To Town With You
7. Bugs
8. Hurry, Tuesday Child
9. Lazy Willie
10. Ode To Billie Joe



             



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