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Bobbie GENTRY - Local Gentry (1968)
Par LE KINGBEE le 4 Octobre 2022          Consultée 586 fois

Loin de nous l’idée d’affirmer que Capitol enfile les disques comme d’autres les perles, mais avouons que les quatre petits mois écoulés entre la sortie du second opus The Delta Sweet et iLocal Gentry donnent l’impression que le label veut vraiment capitaliser sur cette manne inattendue en la personne de Bobbie GENTRY.

Depuis la sortie de sa seconde galette, Bobbie, jeune fille du Sud qui passa son enfance dans la maison sans électricité ni eau de ses grands-parents, est devenue une vedette que les festivals et télés s’arrachent. En février 68, la chanteuse participe au Festival de San Remo, manifestation ultra-glamour qui sied parfaitement au mannequin. Elle enchaîne avec "The Bobbie Gentry Show", tournée mise en place par Capitol qui, pour la première fois, lui offre un groupe d’accompagnement. Le spectacle recueille les éloges de la presse, à tel point que le réalisateur Howard Hugues l’invite à venir se produire sur la scène du Caesar’s Palace de Las Vegas. Bobbie traversant l’Atlantique vient se produire pour la BBC, la chanteuse anime même une série de six épisodes pour BBC 2 pendant juillet et août, une série accréditée au producteur Stanley Dorfman, créateur de l’émission télé "Top Of The Pops", alors que GENTRY s’occupait de tout, de A à Z.

Si son nom de scène lui a été inspiré par le film Ruby Gentry (La Furie du désir) un drame de King Vidor avec Jennifer Jones, Bobbie malgré son parcours dans le mannequinat et la musique n’a rien d’une aristocrate, raison pour laquelle elle choisit de prendre Local Gentry comme titre d’album, un énième pied de nez aux bien-pensants de l’époque. Il faut dire qu’avec son ensemble rouge pétard et ses pompes rougeoyantes Bobbie dégage une assurance à toute épreuve. Si le titre traduisible par Petite Noblesse donne l’impression d’un quolibet ou d’une mise en boîte, probablement en lien avec une enfance dépourvue du moindre luxe, certains textes restent en filigranes avec l’arrière-plan du visuel avant. Si les dessins bucoliques montrent une jeune enfant évoluant au fil des années, d’une partie de marelle à un accouchement, certains textes demeurent curieusement marqués par la morosité et la mort, alors que la plupart des textes sont apposés sur des mélodies aussi amusantes que divertissantes.

Enregistré lors de plusieurs sessions californiennes en mai, le disque se voit agrémenté de trois titres enregistrés dans les studios d’EMI à Londres (pistes 1-6-8). Excellente auteur, GENTRY nous délivre cinq compositions de son cru. En ouverture, "Sweete Peony" évoque certains titres chers à Tony Joe WHITE, un grand songwriter lié aux bayous. Bourré de fantaisie et de métaphores, on se laisse prendre par cette histoire de péniche, de pivoine, de pêche et d’un mystérieux papier à lettre. Si "Casket Vignette" se révèle guilleret, il s’agit d’une diatribe fantaisiste contre certains procédés des pompes funèbres plus intéressés par la vente de gadgets que la peine et le deuil d’une cliente. "Ace Insurance Man" nous propose une discussion aussi imprévisible qu’impromptue évoquant les vendeurs d’assurance, un accident de voiture dans lequel des poulets et des porcs sont les seules victimes, les péquenauds du Grand Sud et une sombre histoire de meurtre sous couvert de pédophilie. "Recollection" prend des allures de comptine funeste bourrée d’allégorie et d’extravagance. Coécrit avec le producteur Kelly Gordon, "Sittin’Pretty" s’apparente à un Folk Jazzy avec un texte difficilement compréhensible portant sur le bonheur.

Au rayon des reprises, figure "Peaceful", plus gros succès de Kenny Rankin, songwriter guitariste ayant œuvré auprès de DYLAN. C’est encore une histoire de deuil avec la perte d’un fils. Elle poursuit sur une note nettement plus humoristique avec "Papa’s Medicine Show", œuvre de Jamie Horton chantée par Leona Williams. Si le titre diffuse des passages nostalgiques, ils viennent en contrepoint de moments gorgés d’entrain et de bonne humeur portés par une guimbarde espiègle et un fiddle plein de nuances. Une chanson dédiée aux médicine show, spectacles itinérants promouvant des élixirs miracles généralement vantés par d’excellents charlatans. On note au passage que le produit miracle vanté par le père et la tante Purdy ne leur permettra pas de gagner leur combat contre la maladie. On retourne vers du sérieux avec "Come Away Melinda", création de Fred Hellerman, longtemps membre des Weavers. Cette fois, Bobbie nous invite à méditer sur les horreurs de la guerre. Ce titre anti-guerre enregistré à Harry Belafonte et les Weavers sera plus tard repris par URIAH HEEP, U.F.O. Il agrémente également l’album des anglais de Velvett Fogg, groupe qui proposait en 69 une pochette controversée avec deux femmes ne portant pour seuls vêtements qu’un trait de peinture.

En dehors de sa pochette avec le fameux tailleur rouge, le disque demeure connu pour ses trois reprises des BEATLES. "The Fool On The Hill" parvient aisément à nous bercer par l’entremise d’une voix fluide tandis qu’un mélodica remplace les flûtes de la version originale. Si la balade a été mise à toutes les sauces (Sergio Mendes, Sarah Vaughan, The Four Tops), Bobbie nous en délivre une version aussi sobre qu’efficace dans la lignée de celle de Sharon Tandy. L’une des meilleures reprises avec celle de STONE THE CROWS. Second emprunt avec "Eleanor Rigby", l’un des titres les plus repris des Fab Four issu de l’album Revolver. L’intro d’une guitare hispanique met en place le chant qui semble dérouler comme une pièce d’une machine parfaitement huilée. GENTRY conclut son répertoire sur une coloration pleine de romantisme avec "Here, There And Everywhere" issu du même Revolver. La simplicité de l’interprétation contraste agréablement avec les versions ultra-ampoulées de Céline DION ou de Perry Como.

Plus d’un demi-siècle après sa sortie, Local Gentry n’a curieusement pas pris de rides malgré sa pochette bien représentative des modes vestimentaires d’une époque. Le chant jamais forcé ni poussé qui évite tout maniérisme concilie naturel et émotion. Bobbie nous dépeint ici une galerie de curieux personnages avec des textes alliant métaphore et poésie, à travers un prisme passant de la tristesse à l’exubérance sixties. Mention à "Sweete Peony", au curieux "Ace Insurance Man" et enfin au "Fool On The Hill". Reste à savoir où classer ce disque. Si les tiroirs de la variété internationale ou du Folk pourraient lui convenir, cet album sera classé dans le rayon de la Pop. Le disque a été réédité en format CD en 2006 par Raven Records dans un recueil regroupant "The Delta Sweete", son prédécesseur.

Note 3,5.

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   LE KINGBEE

 
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- Bobbie Gentry (chant)
- Shorty Rogers (orchestre, trompette)
- Perry Botkin Jr. (arrangements)


1. Sweete Peony
2. Casket Vignette
3. Come Away Melinda
4. Fool On The Hill
5. Papa's Medicine Show
6. Ace Insurance Man
7. Recollection
8. Sittin' Pretty
9. Eleanor Rigby
10. Peaceful
11. Here, There And Everywhere



             



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