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Bobbie GENTRY - The Delta Sweete (1968)
Par LE KINGBEE le 31 Décembre 2020          Consultée 1089 fois

Nous sommes en 1968, année charnière dans le monde tant sur le plan musical que sociopolitique, une année pleine de turbulences : les Etats-Unis sont frappés par les assassinats de Martin Luther King puis de Robert Kennedy ; en été, Tommie Smith et John Carlos montent sur un podium des Jeux Olympiques, levant un poing ganté de noir et Nixon devient le 37ème Président américain. Chez nous autres, la police procède à l’évacuation de la Sorbonne alors qu’en août on assiste à l’écrasement du Printemps de Prague.
Tout va bien, tout va bien surtout pour Bobbie GENTRY qui vient de commettre un vrai carton avec "Ode To Billie Joe", un événement d’autant plus beau qu’il était complètement inattendu. Suite au succès de ses deux premiers singles et de son album qui détrône au passage le "Sgt Pepper Lonely Hearts Club Band" des BEATLES de la première place des charts US, Bobbie monte sa propre maison d’éditions. Bien que sous contrat avec Capitol Records, elle tient à garder son indépendance artistique. En février, la chanteuse vient en Europe et participe au Festival de la Chanson à San Remo et sort son second opus un mois plus tard.

Dans la réalité, une partie de "The Delta Sweete" a été conçue dès l’année précédente, Bobbie voulant sortir une sorte d’album concept dans lequel viendraient se greffer plusieurs sonorités issues du Delta du Mississippi, une coloration où Folk, Blues et Country se mélangeraient en un curieux patchwork. La pochette sur laquelle figure en contraste le visage de la chanteuse et en arrière-plan la bicoque rustique de ses grands-parents où elle passa son enfance tient autant des paysages du Delta que d’un panorama cliché des bayous louisianais. Le titre du disque basé sur un jeu de mot fait référence à la beauté de cette partie du Grand Sud et à celle de l’artiste.

Aux arrangements et orchestration, on retrouve Jimmie Haskell, un arrangeur chef-d’orchestre déjà présent dans le premier disque, et le trompettiste cornettiste de Jazz Shorty Rogers. Les deux hommes ont en commun un gros parcours dans la musique de film. Haskell est l’auteur du générique de la série télé "Bewitched" (Ma Sorcière Bien-aimée) tandis qu’on doit à Rogers la bande-son de "The Three Little Bops", un petit dessin animé de la série Looney Tunes. Ces deux personnalités aux curriculum aussi épais que différentx s’entendent comme larrons en foire, d’autant que Bobbie Gentry leur propose un patchwork complètement bigarré, sortant ainsi les deux musiciens de leur confort et de leurs habitudes. Shorty Rogers a longtemps joué ou accompagné d’importants ensembles du Jazz West Coast (Woody Hermann, Shelly Manne, Art Peper ou Pete Candoli) il évolue depuis peu auprès des MONKEES et des Tijuana Brass d’Herb Alpert, le futur patron du label A&M.

Historiquement, "Ode To Billie Joe" n’est pas encore dans les bacs des disquaires que Bobbie a déjà enregistré son premier titre "Penduli Pendulum" dès juillet 67. Les autres titres proviennent de quatre sessions s’étalant d'octobre à décembre 1967.
Auteure de huit des douze titres, GENTRY délivre ici une ambiance dans laquelle le charme rustique de son enfance rurale peut parfois sonner comme de la mélancolie. Depuis son premier jet, le son s’est élargi vers d’autres spectres et prend de l’ampleur via les arrangements du tandem Rogers/Haskell. C’est en fait à un recueil de scénettes se succédant que nous invite la chanteuse ; on a parfois l’impression de traverser les courants boueux du Mississippi, chaque chanson se jetant dans sa précédente ou sa suivante, tels les remous d’un rapide.

Dès le premier titre, GENTRY nous plonge dans le bain avec "Okolona River Bottom Band", une ballade psy mixant SLY & The FAMILY STONE et Tony Joe WHITE et aux paroles que ne peuvent certainement comprendre que la chanteuse ou les gens du crû (ce dont on peut douter, sans méchanceté). Un vrai délire sur la région de Biloxi dont on ressort encore plus embrumé qu’en y entrant. Avec son intro de bruit de claquettes crépitant comme les flammettes d’un feu de cheminée "Reunion" propose une joyeuse cacophonie mêlant les souvenirs de son enfance à celui d’une réunion familiale où se mêlent des discussions aussi déroutantes qu’improbables autour des faits du quotidien. Entre le cousin Sammy qui s’est coincé un doigt dans une bouteille de coca, un beau jardin où les haricots se disputent le premier rôle contre de belles fraises rouges et le cousin Willy qui tire les cheveux de ses cousines, on a l’impression d’un vécu simple.
La chanteuse nous offre quelques ballades aux contours parfois sombres. "Mornin’ Glory" où elle baille révèle la peur d’un amour qui risque de se perdre. Avec son intro au violoncelle et son harmonica, "Jessye’ Lisabeth" est en fait une berceuse troublante dans laquelle une mère tente de réconforter sa fille après un cauchemar. On note que la suite d’accords n’est pas sans rappeler "Bridge Over The Troubled Water" composée par Paul SIMON deux ans plus tard. Autre ballade, "Refractions" évoque un rêve prophétique mêlant un oiseau de cristal qui finit par se casser les pattes. Une allégorie à un amour perdu. La guitare acoustique et la harpe contribuent à apporter un décor de tristesse et de désillusion amoureuse sur "Courtyard", titre qui clôt l’album.
"Sermon" s’inscrit comme un prêche d’église, Bobbie GENTRY n’oubliant pas que les réunions paroissiales sont parfois prétextes pour certains croyants à rencontrer la femme du voisin. La section cuivre renforce les paroles nébuleuses telles les trompettes de Jéricho. "Penduli Pendulum" aborde le mensonge et l’illusion, la coloration Tex Mex rappelant que le Delta n’est pas très éloigné du Golf du Mexique. Une ballade étrange qui se déguste comme une comptine entre Folk Pop, pirekua et norteño mexicain.

Quatre reprises viennent grossir le répertoire de la chanteuse : comme une piqûre de rappel signifiant que le Delta du Mississippi est le territoire de nombreux bluesmen, elle reprend "Big Boss Man", une compo' de Luther Dixon popularisée par Jimmy REED et reprise par une kyrielle de groupes dont le King PRESLEY. Avec son intro de violoncelle et un harmonica pleurnichard, la version se démarque de ses nombreuses concurrentes. Une version plus en phase avec celle de GRATEFUL DEAD. Son interprétation de "Parchman Farm", œuvre du pianiste Mose Allison fortement inspirée du "Parchman Farm Blues" de Bukka White, s’ancre dans la Country Folk et le Blues, une orientation plus proche de celle de son véritable créateur qui passa trois ans dans le pénitencier du Mississippi. Preuve d’un certain éclectisme, elle reprend "Tobacco Road" du regretté John Loudermilk, titre popularisé dans les hit-parades par les Nashville Teens, groupe anglais de Garage, puis par The Leaves. Bobbie en livre ici une interprétation très personnelle avec une étonnante intro' de cordes et des changements de nuances constants maintenant la tension. Très certainement la version la plus captivante avec celles de Tony Joe White et du tandem John Loudermilk Clarence « Gatemouth » Brown ». Dernière cover avec le hit de Rusty & Doug "Louisiana Man" dont elle gomme toutes les aspérités Cajuns pour le transformer en un délicieux mélange de Folk et de comptine.

Réédité en 1971 par Capitol sous le titre "Tobacco Road" avec une nouvelle pochette dans une série de disques à petits budgets, l’album se voit réédité l’année suivante par le label anglais MFP sous le titre "Way Down South" avec un troisième visuel. Peut-être trop avant-gardiste, ce disque ne rencontra qu’un succès mitigé auprès du public américain, mais nous parait au moins aussi riche que l’opus précédant. En 2020, UMC a sorti un coffret comprenant une face stéréo et une autre mono agrémentées de plusieurs alternates, procédé discutable destiné à attirer les amateurs d’exhaustif. Contrairement au disque précédent, celui-ci est rangé dans le Folk.

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   LE KINGBEE

 
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- Bobbie Gentry (chant, guitare, vibraphone, claviers)
- James Burton (guitare)
- Michael Casey (guitare)
- Del Kacher (guitare)
- Max Bennett (contrebasse, basse)
- Raymond Brown (basse)
- Clifford A. Hils (basse)
- Hal Blaine (batterie, congas, cloches à tubes)
- Dennis Budimir (percussions, cloches)
- Dale Anderson (glockenspiel, timbales)
- Harry Middlebrooks (percussions)
- Oliver E. Mitchell (batterie, congas, glockenspiel)
- Earl Palmer (congas)
- Chester Ricord (timbales)
- George Fields (harmonica)
- Louis Blackburn (trombone)
- Harold Diner (trombone)
- Richard Leith (trombone)
- Gail Martin (trombone)
- Law Mccreary (trombone)
- Kenneth Shroyer (trombone)
- Shorty Rogers (trompette, cor)
- Oliver Mitchell (trompette)
- Jack Sheldon (trompette)
- Anthony Terran (trompette)
- Jimmie Haskell (arrangement cordes)
- Harry Bluestone (violon)
- Henry Both (violon)
- William Kurasch (violon)
- Leonard Malarsky (violon)
- Harry L. Roth (violon)
- Paul Shure (violon)
- Marshall Sosson (violon)
- Tibor Zelig (violon)
- James Getsoff (violon, viole)
- Sidney Sharp (violon, viole)
- Armand Kaproff (violoncelle)
- Raphael Kraemer (violoncelle)
- Jesse Ehrlich (violoncelle)
- Anne Leadman (violoncelle)
- Joseph Saxon (violoncelle)


1. Okolona River Bottom Band
2. Big Boss Man
3. Reunion
4. Parchman Farm
5. Mornin' Glory
6. Sermon
7. Tobacco Road
8. Penduli Pendulum
9. Jessye' Lisabeth
10. Refractions
11. Louisiana Man
12. Courtyard



             



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