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Bobbie GENTRY - Fancy (1970)
Par LE KINGBEE le 13 Novembre 2022          Consultée 688 fois

Si vous croyez que seule Linda RONSTADT pose en nuisette sur ses pochettes, il va falloir revoir votre copie, la preuve avec ce visuel assez kitch issu d’un autoportrait peint par Bobbie GENTRY. Beau coup de pinceau, soit dit au passage.

Nous sommes en 1969, "Touch’ Em With Love", son cinquième album enregistré à Nashville, est tout juste dans les bacs que Capitol décide de renvoyer la chanteuse en studio. Bobbie a le vent en poupe, elle vient de participer à quatre shows télé pour une chaîne canadienne et il est prévu qu’elle aille en Angleterre où la BBC l’attend de pied ferme, lui ayant concocté un programme sur mesure. Tout va pour le mieux sauf que cette galette a fait un four, ne se classant qu’à la 164ème place du Billboard 200.

Cette fois-ci, Capitol change son fusil d’épaule et décide de faire appel à Rick Hall, patron du label FAME à Muscle Shoals. Pour le producteur indépendant, il ne faut pas se rater, en mars il a perdu son équipe de choc partie voler de ses propres ailes pour fonder son propre studio sur Jackson Highway, à un jet de pierre des studios FAME.
Avec de nouveaux sessionmen (The Fame Gang), Rick Hall vient d’engranger quelques bons succès via Willie Hightower, Bettye SWANN, Spencer WIGGINS et surtout Candi STATON. L’arrivée de Bobbie Gentry, élevée aux sources du Hillbilly et du Blues, constitue un nouveau challenge pour Rick Hall. Depuis deux ans, Capitol ne parvient pas vraiment à relancer la carrière de sa chanteuse qui risque de rester l’interprète d’un unique succès: "Ode To Billie Joe".
La décision de placer l’ancienne mannequin dans les mains de Rick Hall va s’avérer une opération habile qui va déboucher sur de bons résultats, sans toutefois inverser la tendance, à tel point que Bobbie GENTRY ne tardera pas à s’exiler chez les rosbeefs.

Si Fancy sort dans les bacs en avril 70, l’album est le fruit d’une longue gestation commencée en avril de l’année précédente, les dix titres résultant de cinq sessions entre avril 69 et janvier 70. Si Bobbie excelle à conter de formidables histoires en une poignée de couplets, ses chansons dénuées de tout positivisme et souvent sans concession déroutent un auditoire sudiste en quête de festif et de simplicité. Bien conscient de cette faiblesse, Rick Hall lui concocte un stock de reprises capables de faire la différence. Seule "Fancy", la chanson-titre provient de sa plume.

Quand on vous signalait que Bobbie est une adepte des textes et thèmes à problème, "Fancy" en est le parfait exemple avec cette histoire d’une mère miséreuse et malade qui envoie sa fille Fancy sur les doux chemins de la prostitution. Si le titre a été repris avec un certain cachet par plusieurs chanteuses Soul (Irma THOMAS, Rosalynd Madison), il est aussi tombé dans la besace de chanteuses Pop et de countrywomen (Lynn Anderson, Reba McEntire, Katie MELUA) qui lui ont fait perdre une partie de son essence. Là, on reste encore sous la puissance vénéneuse du refrain : Here's your one chance, Fancy, don't let me down glauque mais terriblement réel.

Deux titres du prolifique tandem Burt Bacharach/Hal David font leur apparition : "I'll Never Fall In Love Again", pioché dans la comédie musicale Promises Promises inspirée du film The Apartment (La Garçonnière) de Billy Wilder. Le timbre décontracté fait merveille et fait oublier l’original avec les acteurs Jerry Orbach et Jill O’Hara. Certains verront là comme une refourgue grossière, le titre figurant dans l’album précédent mais, comme le dit l’adage, quand on aime, on ne compte plus.
Autre gros carton du tandem, "Raindrops Keep Fallin' On My Head" figurait déjà dans la bande originale du film Butch Cassidy and The Sundance Kid avec Paul Newman et Robert Redford. Le passage de la bicyclette avec Butch Cassidy (Newman) et Etta Place (Katharine Ross) reste probablement dans la mémoire de nombreux cinéphiles. Chanté à l’origine par BJ Thomas, le titre est repris à toutes les sauces, rien d’anormal vu le succès du film. Rien que pour l’année 70, on décompte 58 reprises chantées auxquelles il convient d’ajouter 67 instrumentaux et une trentaine d’adaptations. Chez nous autres, Sacha Distel connaît le succès avec "Toute la pluie tombe sur moi". Bobbie nous délivre une interprétation plus humoristique et pétulante que celles de Nancy Wilson, Dionne Warwick ou Vikki Carr.

La chanteuse peut également œuvrer avec agilité dans le Folk, domaine dans lequel elle apporte de la légèreté et une fausse candeur, comme en atteste "Something In The Way He Moves", une compo de James Taylor. Si Tom Rush, auteur du premier enregistrement, distillait une ambiance Country-Rock, Bobbie s’avère beaucoup plus douce avec en arrière-plan d’excellents entrelacs de guitares acoustiques et de violons. A noter que le titre de cette chanson n’est répété qu’une fois, lors de la première strophe. A contrario, elle transforme "If You Gotta Make A Fool Of Somebody", un excellent R&B avec harmonica et sousaphone popularisé par James Ray, en une pièce Pop nettement plus frivole. Si le titre a été mis à toutes les sauces (Aretha FRANKLIN, Huey LEWIS, Ron WOOD, Vanilla Fudge), la qualité des arrangements et de l’accompagnement fait ici toute la différence en comparaison avec les multiples cover Pop de ses consœurs américaines et anglaises. Autre titre situé aux frontières de la Pop et d’une Country-Rock planante, "Rainmaker" est à la base un excellent titre d’Harry NILSSON. Si Rick Hall reprend divers éléments de l’original (banjo, cordes), de par son timbre et son intonation, Bobbie se fait plus espiègle que le grand Nilson sur l’histoire d’un faiseur de pluie trompé par ses clients. Une variante de l’arroseur arrosé.

Bobbie se situe aux confins de plusieurs frontières dont le paysage parfois flou reste ardu à définir. C’est ainsi que "Delta Man" s’oriente entre Country-Soul, Rock et Blue Eyed Soul, un premier pas remarqué dans le domaine de la Soul. Si la compo de Leon Russell avait été enregistrée préalablement par Joe COCKER, il n’y a pas, selon nous, photo entre les deux. La dualité entre le piano et l’harmonica arbitrée par une mini section de cuivre demeure un modèle du genre. Le titre sera repris par Rick WAKEMAN, Gary Puckett et notre Johnny National avec "Fille de la nuit", une adaptation à prendre avec des pincettes L’album s’achève avec "Wedding Bell Blues", une belle fable de Laura Nyro sur une demande en mariage détournée. Sous une forme sous-jacente, Bobbie délivre encore un message sur la liberté des femmes, thématique habilement entretenue dans son répertoire.

Nous terminons ce bref panorama avec deux coups de canons estampillés Soulfull : "Find 'Em, Fool 'Em And Forget 'Em", composé et enregistré par George Jackson, l’un des grands songwriters de l’écurie FAME. Malgré sa voix blanche, Bobbie témoigne d’un feeling puissant qui emporte tout sur son passage. Le tempo plus modéré que la version d’origine contribue à une tension dramatique enrichie. Le titre se voit repris par les Osmonds, tandis que Larry Davis le transforme en un blues particulièrement intense. GENTRY franchit un cap supplémentaire avec "He Made A Woman Out Of Me", une tuerie gravée par Betty LaVette qui grimpa au 25ème rang des charts alors que la chanson avait été bannie des ondes par de nombreuses radios à cause d’un contenu jugé trop sensible, ceux du dépucelage et de l’abandon. Si le timbre de GENTRY ne peut pas rivaliser avec le dramatisme de LaVette à la limite de la tragédie, notre chanteuse a la sagesse de ne pas pousser sa voix et de laisser le naturel s’installer sous couverts d’arrangements d’orfèvre et d’une orchestration mitonnée aux petits oignons, une interprétation qui relègue bien loin celles de Jeannie C Riley, Amy Madigan ou de l’Hollandaise Ricky Koole.

Si aucun titre ne connut la joie de figurer dans les charts de l’époque, certaines pistes intègrent les hit-parades des cousins anglais, preuve que nul n’est prophète dans son pays. Capitol allait même publier une seconde édition anglaise avec une pochette différente et un intercalage de titres. Le visuel US issu d’une peinture de la chanteuse nous paraît plus alléchant. La collaboration entamée avec Rick Hall, producteur de génie, se poursuit en 1977 avec la publication d’un single Warner. Quelques titres demeurés inédits et gravés avec le même producteur figureraient sur une compilation européenne éditée par Capitol en 1992, recueil que votre humble serviteur n’a jamais vu de ses yeux. Largement sous côté, si Fancy dégage par moment une approche qu’on pourrait croire superficielle voire puérile, une écoute attentive infirme ce premier constat. Signalons que si certains écrits peuvent avoir une consonnance poétique, les textes choisis par Bobbie GENTRY sont toujours très actuels, la liberté de l’émancipation des femmes étant un thème récurrent chez la chanteuse. Sans le nombre élevé de reprises (90%), ce disque aurait pu prétendre à la note maximale. En 2016, Capitol Japan a réédité l’album au format CD.

PS : Faute d’indications, la line-up n’est que suggestive.

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- Bobbie Gentry (chant)
- Junior Lowe (guitare,harmonica)
- Jesse Boyce (basse)
- Freeman Brown (batterie)
- Clayton Ivey (claviers, guitare)
- Ronnie Eades (saxophone)
- Aaron Varnell (saxophone)
- Harvey Thompson (saxophone, flûte)
- Harrison Calloway (trompette)
- Charles Rose (trombone)
- Jimmie Haskell (arrangements cordes)


1. Fancy
2. I'll Never Fall In Love Again
3. Delta Man
4. Something In The Way He Moves
5. Find 'em, Fool 'em And Forget 'em
6. He Made A Woman Out Of Me
7. Raindrops Keep Fallin' On My Head
8. If You Gotta Make A Fool Of Somebody
9. Rainmaker
10. Wedding Bell Blues



             



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