Quelques temps après leur premier album plutôt incisif, Théo CHOLBI et Florian SERRAIN alias SÜEÜR ont balancé un nouveau single. C’était début Novembre, surfant sur la deuxième vague, une chanson animée par une foule de sentiments entremêlés parfois contraires. Fureur, peur, mélancolie, espoir. Interrogations.

Quand tout cela finira-t-il ? Arrivera-t-on à une fin d’ailleurs ? Ou sommes-nous condamnés à errer dans nos quatre murs pour encore des éternités, à mesure que les variations prennent les places laissées vacantes, adaptant leurs passeports d’entrée ?

La solution la moins pire ? Peut-être devait-on se dire la même chose dans ce wagon transbahuté à Rethondes dans un esprit de revanche, un petit jour de Juin 1940.

Plutôt le principe de précaution poussé à son paroxysme, dans une société où on n’accepte plus le prédicat de la vie, la règle principale du jeu quand on ne signe pas au tout début : mourir ! On ne vit plus pour ne pas mourir. L’éloge du statuquo.

Mais à quel prix ?

Je ne suis pas médecin, seulement un observateur du monde libre, une espèce en voie de disparition qui se pose sans doute trop de questions. S’interroger est-il d’ailleurs encore autorisé ?

Je ne suis pas à plaindre. J’ai mon deux-pièces, mon petit bureau, mon garde-manger d’écureuil. J’ai un boulot relativement stable, une épargne. Je suis chanceux de ne pas avoir 22 ans aujourd’hui. Je l’ai piquée cette formule.

-Dans ce cagibi, sans voir les collègues, on m’a volé mon after. Cette vie étudiante dont on m’avait conté monts et merveilles. Ce pourquoi je m’étais battu durant ces deux ans. Au cœur de l’amphithéâtre désert, les rires ont disparu en même temps que les molécules de mousse à raser issues de la planète X.

Il n’y aura pas de week-end d’intégration. Pas de club. Pas de soirées où l’on se rend compte qu’on est de la même région, qu’on aime les mêmes auteurs SF ou films de merde, qu’on écoute tous les deux les RED HOT h-24. Pas plus de boîte de nuit dont on se demande encore comment on a pu en revenir.

On ne prend même plus la peine d’intégrer.

Au fin fond de la ville nocturne, les voix se sont tues. Les conversations éthyliques où on refait le monde aussi. On ne tire plus de plans sur la comète. On ne se projette plus, on est coincé dans une translation légère inutile.

Alors je pose mon cul sur le canapé. Je regarde des émissions de merde, du porno. Je mate certains films où les personnages se roulent des pelles.

Les sms, les applis de messagerie, les groupes QuelleApp. C’est une bonne bouée de sauvetage. Heureusement, il y a aussi les coloc's, les blagues, les Simpson. Un petit cacheton de temps en temps, juste avant de dormir, ça ne peut pas faire de mal. Et quand je BAD trop, je sors mon pétard.

Un jour, peut-être ne sera-ce plus suffisant.

- « T’as pas l’impression que tu dramatises un peu ? Y a des mecs à la rue, en réa, au cimetière. 1500 morts en Grande-Bretagne avant-hier ».

- Chèque déj' ou psy sans provision.

- Les voitures ne bougent plus dans le parking de la résidence. Au loin, je vois la ville, les fumées produites par les chauffages, les nuages, le soleil qui va se lever. Le vent caresse doucement mon visage. Je m’y voyais déjà, descendre en ville à pied, explorer mon bac à disques. Cela augurait d’une journée merveilleuse.

- « Shakespeare est mort, Molière est mort, GAINSBOURG est mort, et, je vous avoue, je ne me sens pas très bien moi-même ».

- Tout redevient silencieux à l’intérieur du campus aphone et calfeutré. Dans leurs pédiluves, les infortunés hippopotames ont bouilli vifs sans ciller.